Stéphane Hessel fait partie des rares intellectuels qui parlent comme ils écrivent. En l’écoutant, on a l’impression qu’il se passe de l’indulgence autorisée par l’oral en se soumettant à la même rigueur qu’impose l’écriture.
Les acquis du passé. C’est ainsi que je peux résumer la première partie du livre : Indignez vous ! (1) C’est dans le cadre du Conseil National de la Resistance (C N R) que les Droits économiques, sociaux et culturels se sont institutionnalisés. Le combat de la libération de la France allait de pair avec l’indépendance et l’autonomie de la presse, hélas aujourd’hui en danger.
Le désengagement de l’Etat par rapport à la préservation des Droits économiques et sociaux que la résistance a arrachés et le renforcement du pouvoir de l’argent caractérisé par la privatisation des banques, contribuent énormément à l’écart qui se creuse davantage entre les pauvres et les riches. D’où la nécessité d’agir en vue de récupérer les Droits pour lesquels le C N R a combattu. Et pour que cette indignation garde son actualité, Stéphan Hessel appelle les jeunes à enjoindre la désobéissance. « On rejoint ce courant de l’histoire et le courant de l’histoire doit se poursuivre grâce à chacun ».
La relecture de l’histoire faite, Stéphane Hessel se présente sous forme de croisement des pensées dont les notions de l’histoire, la responsabilité et la liberté représentent le fondement. Du coup, Sartre s’accroche à l’idée qui fait que l’homme est responsable de son devenir. L’expérience du corps apparait dans l’entreprise philosophique de Maurice Merleau-Ponty. En revanche, l’apport de la pensée hégélienne a remarquablement illuminé la vision hesselienne, si j’ose dire, surtout quand il s’agit de « la liberté de l’homme progressant étape par étape ».
L’universalité des Droits de l’Homme, Hessel la doit à René Cassin. Désormais, l’argument de la souveraineté et de la spécificité locale avancé pour justifier des crimes contre l’humanité ne tient plus la route. L’universel prime sur le local. « Je sentais qu’il fallait faire vite, ne pas être dupe de l’hypocrisie qu’il y avait dans l’adhésion proclamée par les vainqueurs à ces valeurs que tous n’avaient pas l’intention de promouvoir loyalement, mais que nous tentions de leur imposer ». C’est grâce aux ONG œuvrant dans le domaine des Droits Humains, à leur efficacité organisationnelle de se constituer en contre-pouvoir, que des progrès ont été enregistrés « au cours des dernières décennies ».
L’indignation de Stéphane Hessel ne s’arrête pas au nouvel ordre mondial que la mondialisation dans son aspect ravageur construit, mais aussi elle se prononce à propos de la Palestine. L’auteur considère que l’opération : « Plomb durci » menée par les militaires israéliens contre la population de Gaza, est un crime contre l’humanité. En revanche le fait que Hamas envoie des rockets sur la ville de Sdérot « ne sert pas sa cause, mais on peut expliquer ce geste par l’exaspération des Gazaouis ».
Seule la non-violence est le chemin que nous devons apprendre à suivre, conclut Stéphane Hessel. Contrairement aux déductions du raisonnement qui a amené Sartre à combattre la violence par la violence et qu’il a rectifié à la fin de sa vie, l’auteur parie sur la non-violence alimentée par l’espoir pour combattre la violence.
Autrement dit, adopter le dialogue pour cultiver la différence. C’est dans cette optique qu’Éric Weil a entrepris sa notion de violence en tant que forme de contraste qui nuit à la cohérence et donc à la raison.(2) Le message de Mandela et de Martin Luter King conforte cette thèse : « C’est un message d’espoir dans la capacité des sociétés modernes à dépasser les conflits par une compréhension mutuelle et une patience vigilante ». Au final, la non-violence ne rime pas avec la passivité. La non-violence est un agir, une « insurrection pacifique ».
Notes
(1) INDIGNEZ- VOUS ! Stéphane Hessel. Indigène éditions, 2010.
(2) Logique de la philosophie. ÉRIC WEIL. Editions VRIN, 1985.
14 mars 2012