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20e anniversaire de la décriminalisation de l’avortement au Canada : le débat est-il clos?

par , collaboratrice, engagée dans le cadre de nombreux projets d'étudiants de Tolerance.ca
Le 28 janvier 2008, les Canadiennes et les Canadiens ont célébré le 20e anniversaire du jugement de la Cour Suprême du Canada, qui a décriminalisé l’avortement en 1988. Or, certains groupes continuent de débattre avec véhémence du droit à l’avortement, que ce soit ici ou dans le monde. Est-il encore opportun, après 20 ans, d’en discuter? Je crois que l’agenda médiatique des derniers jours nous prouve qu’il existe encore un grand débat autour de cette question.

Le mardi 22 janvier 2008, près de 10 000 opposants à l’avortement se sont rassemblés dans les rues de Washington dans le cadre d’une « Marche pour la vie », à l’occasion du 35e anniversaire de la décision de la Cour Suprême d’y autoriser l’interruption volontaire de la grossesse (l’IVG). Plus près de chez nous, une manifestation a eu lieu à Montréal célébrant le 20e anniversaire de la décriminalisation de l’avortement, qui rassembla des groupes en faveur de l’IVG. Finalement, on a eu vent dans les médias, le 24 janvier 2008, des confrontations ouvertement hostiles qui ont eu lieu sur plusieurs campus canadiens, entre les associations étudiantes pro-choix et pro-vie. Ainsi, ce sont trois nouvelles qui remettent dans l’actualité le débat entourant l’avortement. Moi qui croyais, avec l’évolution de la société et des mentalités, que la question ne se posait plus!

Je dois l’admettre, en tant que jeune femme de vingt ans, je ne peux qu’être en faveur du droit à l’avortement, parce que je suis consciente qu’il existe certaines circonstances où il est nécessaire pour une femme ou un couple de faire ce choix. Je crois aussi qu’il revient à la femme de prendre la meilleure décision qui la concerne. Je suis aussi pro-choix parce que je veux que les femmes aient accès gratuitement à l’IVG parce que, si elles ne peuvent pas avoir d’enfants, c’est que, dans certains cas, elles n’ont pas les moyens de les élever. Je souhaite aussi que leur avortement se fasse dans de bonnes conditions sanitaires.

Je trouve malheureux que la question de l’avortement ne soit pas entièrement résolue au Canada ni ailleurs dans le monde. L’IVG demeure un enjeu politisé au pays, le mouvement pro-vie étant toujours présent, même s’il est moins actif depuis 2000. L’arrivée du Parti conservateur à la tête du pays n’a pas non plus aidé à calmer les choses, étant donné que 60% de ses députés se sont prononcés officiellement contre l’avortement lors d’événements pro-vie ou de projets de lois se rattachant au sujet, selon la Coalition pour le droit à l’avortement au Canada.

L’avortement se définit comme étant l’interruption avant son terme du processus de gestation. Le geste va par contre au-delà même du phénomène physiologique qu’il représente, étant devenu depuis plusieurs années le sujet d’un débat social international divisant la société en deux clans : les pro-choix, qui sont en faveur du droit à l’IVG, et les pro-vie (ou anti-choix) qui sont contre l’avortement.

Les pro-choix considèrent, entre autres, que c’est à la femme que revient le droit de décider de son avenir et de celui de l’embryon qu’elle porte, car elle est la mieux placée pour le faire et parce qu’elle doit être libre de faire des choix qui la concernent. Ils croient aussi que, sans la légalisation de l’IVG, les avortements clandestins, causes de fortes souffrances humaines et parfois de décès, seraient plus nombreux. À l’inverse, les pro-vie se portent à la défense de l’être humain dès sa conception, en affirmant qu’on ne peut pas décider pour un autre s’il veut vivre ou non, et qu’ainsi l’avortement est un meurtre. La découverte, en 2006, que les premiers neurones apparaissent dès le 31e jour suivant la fertilisation leur a d’ailleurs apporté un certain renfort.

C’est seulement depuis le 28 janvier 1988 que les Canadiennes peuvent se faire avorter de façon sécuritaire et gratuitement, sans craindre des poursuites pénales, le gouvernement ayant alors établi que la restriction de l’IVG allait à l’encontre du droit de la sécurité de la personne, droit garanti aux femmes par la Charte canadienne des droits et libertés. Je dis « seulement », parce que comparativement aux États-Unis, à la Grande-Bretagne et à la France, le Canada a tardé à agir en ce domaine. Néanmoins, le geste a été posé, au grand plaisir des deux tiers des Canadiennes et Canadiens qui croient que les femmes qui le désirent doivent pouvoir se faire avorter. Au Québec, encore plus de gens partagent cette opinion, car près de 72% de la population, selon des données de 2001, sont favorables au libre choix.

Même si les lois sur l’avortement au Canada sont parmi les moins restrictives dans le monde, certaines provinces, notamment le Nouveau-Brunswick, restreignent l’accessibilité à l’IVG. Ce n’est pas le cas au Québec, province qui, a-t-on appris en 2006, se hissait alors au 3e rang dans le monde avec un nombre d’avortement des plus élevés, soit de 42,6 IVG pour 100 naissances.

Qu’en est-il de la situation sur le plan mondial?

En 2003, on estime que le nombre total d’avortements dans le monde s’est élevé à 43 millions, soit un taux de 29 pour 1000 femmes en âge de procréer, et un nombre de 31 IVG pour 100 naissances. C’est en Amérique du Nord que le taux est le plus élevé, et en Europe où il est le plus bas. Ces chiffres sont probablement fort déplorables pour les pro-vie, mais des statistiques tout aussi tristes pour les pro-choix révèlent que, parmi ces avortements, environ 20 millions sont pratiqués chaque année de façon clandestine et dans des endroits non adaptés à ces pratiques, notamment dans les pays en voie de développement et dans les endroits où l’IVG n’est pas légalisé, ce qui entraîne globalement, sur ce nombre, près d’un million d’accidents et 68 000 décès annuellement.

En Amérique du Nord, les avortements sont pratiqués légalement aux États-Unis depuis 35 ans et, au Canada, depuis 20 ans. Le 24 avril 2007, l’état de Mexico, au Mexique a aussi voté pour l’autorisation de l’IVG lors des premières 12 semaines de gestation, rejoignant Cuba et le Guyana au rang des trois seuls pays ne pénalisant pas l’avortement en Amérique du Sud. En Europe, c’est en 1975 que la France a légalisé l’IVG, sous la présidence de Valéry Giscard d’Estaing. En Grande-Bretagne, on a célébré le 40e anniversaire de sa décriminalisation le 27 octobre 2007. En Suisse, c’est dès 1942 que l’interruption de la grossesse a été autorisée, dans le cas où la santé de la mère était en péril. La loi a été modifiée en 2002, permettant l’IVG dans les 12 premières semaines de grossesse.

Je crois que nous devons porter attention non pas au droit à l’avortement, mais bien à la façon dont les gens perçoivent l’IVG aujourd’hui. Combien de fois ai-je entendu des jeunes filles de mon entourage me dire qu’elles ne se protégeaient pas ou qu’elles ne prenaient pas la pilule parce que de toute façon, dans le pire des cas, l’avortement existe. L’IVG ne doit pas être perçue comme une solution ni, à la limite, comme un moyen de contraception. Je crois qu’on devrait davantage investir du temps dans la sensibilisation plutôt que dans un débat de société qui dure depuis des années et qui a déjà été pesé, évalué et réglé il y a vingt ans.

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