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Pleure, ô pays bien-aimé - la parole est à Boualem Sansal

par
Professeur, Faculté de droit, Université Laval, Québec, membre de Tolerance.ca®

Quand ceci s’écrit, Boualem Sansal croupit dans les geôles d’Alger, en Algérie. Il a été proclamé ennemi du régime islamiste-militaire d’Algérie par le régime qui a réussi (le 16 novembre 2024) à le jeter en prison. Le régime a monté une accusation (incrimination) commode, a arrangé un procès de façade (le 27 mars 2025, confirmé en appel le 1er juillet 2025), et l'a confiné présentement à l’ombre pour 5 ans.

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Tout a été mis en œuvre pour arrêter un homme voulant être libre, voulant écrire, voulant disposer de la liberté d’expression, voulant discuter de façon critique, voulant susciter des débats démocratiques, et marcher la tête haute. C’est avant tout un avertissement, annonçant tout ce que le régime islamiste-militaire déteste, ce que le régime trouve répugnant et intolérable. Pour le régime, la critique mérite la prison et le mérite davantage les individus qui s’en donnent, qui osent écrire et publier en toute liberté.  

Des (mauvaises) raisons qui nous incitent, de façon critique, à donner la parole à Boualem Sansal, à nous interroger sur ce qu’il a écrit de terrible pour mériter la prison en Algérie? Se peut-il qu’il mérite plutôt notre estime? Notre soutien? C’est en effet notre point de départ, de même notre point d’arrivée.

Un romancier nommé Boualem Sansal

Et qui est donc ce Boualem Sansal (né 1949)? Un romancier algérien (virtuellement expulsé d’Algérie), un romancier franco-algérien (réfugié littéraire en France) ? Tout cela, mais surtout un romancier et un écrivain formidable, prodigieux, quelqu’un qui sait raconter une histoire de façon intéressante et compréhensible. Ayant commencé à écrire sur le tard, à l’âge de 48 ans, Boualem Sansal, de formation ingénieur (avec un doctorat en économie), a été enseignant, consultant, chef d'entreprise et haut fonctionnaire au ministère de l'Industrie algérien (licencié par le régime en 2003 après la parution de ses écrits très critiques à l’encontre du système politique algérien).

En débutant tardivement sa carrière d’écrivain, Sansal se distingue vite et favorablement par la façon de forger des histoires captivantes, de se saisir de l’actualité algérienne sous forme romanesque. Il développe un style propre à lui, un style riche et élégant, un style saccadé, staccato et métaphorique, un style très « parlé », très « populaire », semblable à « une voix de l’intérieur », comme une voix qui s’adresse pour converser, pour communiquer. Ses écrits, autant ses romans qu ses essais, prennent la forme de lettres adressées aux lecteurs, accentuant de ce fait le désir de dialogue, de contact.   

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Le mot « boualem » signifie en arabe « porteur de drapeau », « porte-étendard » (porte-parole) et « celui qui apporte la paix » (pacificateur). Boualem Sansal se lit comme un porte-parole, comme étant un intermédiaire amoureux de la culture des gens ordinaires du monde magrébin, des cultures multimillénaires, qu’il oppose aux régimes réactionnaires qui présentement défigurent cette partie du monde. Par dessus tout il faut comprendre Boualem Sansal comme porte-parole qui prend la parole pour l’autre, pour le bénéfice de l’autre, pour dialoguer avec l’autre.

La décennie noire de l’islamofascisme 1992 - 2002

La décennie noire de l’islamofascisme a été déterminante pour l’œuvre de Boualem Sansal. Se déroulant de 1992 à 2002 (et se prolongeant de façon non officielle encore aujourd’hui), la décennie noire de l’islamofascisme a réveillé Boualem Sansal.

D’abord en posant, en toute simplicité, la question « comment sommes-nous arrivés à cela? ». Comment en effet expliquer un million de déplacés (un euphémisme pour cacher qu’ils ont été chassés de leurs terres), des assassinats en masse, des enlèvements par milliers, des viols par milliers, des tortures, et tous les malheurs qu’ont infligés les terroristes islamiques ? Oublier! Se plier? Passer à autre chose? Ou faut-il examiner, de façon critique et honnête, la politique, la culture, de l’Algérie de 5 juillet 1962 à aujourd’hui ?

Le régime islamiste-militaire au pouvoir, le système bicéphale partageant le pouvoir entre l’Islam oligarchique (irréductiblement réactionnaire) et la caste militaire (également réactionnaire), n’est-il pas responsable? Ce pouvoir bicéphale n’est-il pas responsable par ses choix non démocratiques et non civilisateurs, n'est-il pas responsable  des malheurs qu’il a infligés au peuple? Boualem Sansal répond par l’affirmative et fait ensuite part de son indignation, à la nécessité de mettre des mots sur les choses, exprimer le plus clairement sa colère, son dégoût face au terrorisme islamiste, face à l’horreur, face au sang coulé, face au régime bicéphale qui opprime l’Algérie.  

Avec pertinence, Boualem Sansal savait que les malheurs qui écrasaient son peuple était le résultat de la mauvaise gouvernance, de la corruption, du népotisme, et de l’acoquinement malsain et criminel entre l’oligarchie islamique, l’idéologie facho-islamiste et l’oligarchie militaire, étouffante, anesthésiante, de la société algérienne. Un acoquinement qui empêchait le peuple de se libérer, de s’éclore et qui fonctionnait comme une chape de plomb sur la société algérienne tout entière.

Écrire des romans sur la réalité vécue

À l’âge de 48 ans, Boualem Sansal commence donc à écrire des romans. Il a écrit 10 romans : Le Serment des barbares (1999); L'Enfant fou de l'arbre creux (2000);    Dis-moi le paradis (2003); Harraga (2005); Le Village de l'Allemand ou Le Journal des frères Schiller (2008); Rue Darwin (2011); 2084 : La fin du monde (2015); Le train d'Erlingen, ou La métamorphose de Dieu (2018); Abraham ou La Cinquième Alliance (2020); Vivre : le compte à rebours (2024) (1). Et bien sûr des nouvelles, des essais, des pamphlets (nous reviendrons).

Voler et violenter « la réalité » des gens

Le premier roman qu’il publie, Le Serment des Barbares de 1999 (2), est emblématique pour le rôle de porte-parole de Sansal. C’est un quasi-policier où Boualem Sansal, avec l’amour assumé, décrit la vie en Rouiba (une commune dans la banlieue d’est d’Alger), la vie vécue et comprise à partir des individus vivant au bas de l'échelle sociale.  Il n’aime pas ce qu’il découvre.

Rouiba se dévoile par le personnage du vieux policier Si Larbi, un policier usé par le temps et avec des yeux qui ont trop vu. Le limier Si Larbi, dans le roman, entame une investigation sur le double meurtre d’un va-nu-pieds, un ouvrier agricole sans histoire ni avenir, et d’un grand ponton de la ville, un commerçant riche et corrompu, le parrain de Rouiba. De façon maladroite, l’enquêteur, Si Larbi tombe sur ce qu'il ne cherchait pas, il tombe sur une réalité de corruption, d’enrichissement illégal, de banditisme, de discriminations, d’oppression et de mépris pour les gens ordinaires. Et bien sûr, l’enquêteur Larbi trouve les fous d’Allah, l’islamiste-fascisme, toujours prêt pour tuer, pour opprimer, pour assurer leurs suprématies.

L’importance de ce livre ne réside toutefois pas dans le cadre d’un roman (en apparence) policier, mais dans le fait que le livre se dresse contre l’aliénation, la dépossession, la spoliation, contre le silence de la dissimulation, du vol « de la réalité » qu’a effectué le pouvoir bicéphale islamiste-militaire. Ils, les militaires et les islamistes, ont volé les villes des gens pour les transformer en des bleds ouverts à la corruption, la criminalité, le pouvoir clanique. Dans son roman, Boualem Sansal découvre une ville qui n’appartient plus aux gens des lieux, mais une ville qui, maintenant, appartient aux profiteurs et aux planificateurs, aux exploiteurs et aux administrateurs, il fait découvrir une ville ravagée par des décennies de politiques d’industrialisation chaotique, d’urbanisation forcée « à la soviétique », accompagnée de terrorisme politique islamique. Ne règnent à présent que la désolation et d’aliénation, et le fait que d’être un individu ordinaire se résume à  être coincés comme un grain de blé entre deux meules qui le broient, l’écrabouillent, le détruisent, chair et âme.

Trois des romans auparavant mentionnés, L'Enfant fou de l'arbre creux (2000), Dis-moi le Paradis (2003, et Harraga (2005), sont construits sur ce modèle, le modèle d’une observation critique et désespérée de la vie dans l’Algérie d’aujourd’hui. Un modèle d’une critique sociale et politique qu’utilise l'imaginaire pour exprimer des idées, pour mettre des mots sur les choses.             

Comparer le fondamentalisme islamique et le fascisme nazi

Avec son quatrième roman, « Le Village de l'Allemand ou Le Journal des frères Schiller » (2008)(3), Boualem Sansal touche un thème tabou, très sensible, « ce dont on ne parle pas », à savoir la relation, historique et contemporaine, entre le fondamentalisme islamique et le fascisme. Le roman Le village de l'Allemand a été banni, cancellé, en Algérie. Et pourtant, c’est un roman remarquable. Remarquable par la façon de composer l’histoire, de décrire les enjeux et de démontrer comment le fascisme fonctionne.

Le roman Le village de l'Allemand met en scène les deux frères Schiller, Rachel et Malrich, nés dans un petit village d'Algérie d'un père allemand et d'une mère algérienne, et vivant en France. Le roman est composé comme un journal de confession, des chroniques faites d’abord par l’un des frères Schiller et ensuite par l’autre.  Les deux frères ont été élevés par un oncle âgé dans l'un des ghettos les plus difficiles de France, où l’un, Rachel, est un immigré modèle : travailleur, intègre et respectueux des lois, l’autre, Malrich, un individu à la dérive, un individu aliéné et en colère, un individu sans l’avenir prévisible. Lorsque les fondamentalistes islamiques assassinent leurs parents en Algérie, le destin des deux frères bascule. Rachel découvre la terrible vérité sur sa famille et s'effondre moralement, existentiellement, sous le poids des péchés de son père, un ancien officier SS (4) nazi. Après le suicide de Rachel, Malrich, le paria, affronte seul cette terrible vérité qui révèle le passé véritable de son père et ses liens avec le nazisme.

Il découvre que son père n’était en rien un moudjahidine de l’indépendance de l’Algérie, mais un hitlérien en déguisement offrant son savoir-faire au Front de libération national, FNL, la guérilla s’arrachant du pouvoir après l’indépendance de l’Algérie en 1962. Le fond de l’histoire, c’est que leur père, Hans Schiller, un ancien de la SS nazi, était impliqué dans les crimes d'Auschwitz (5) avant de rejoindre l'Algérie. Hans Schiller, dans le roman de Sansal, se cachait en premier lieu en Égypte pour ensuite être « prêté » pour servir avec son savoir-faire la cause islamique anticolonialiste. Comme tant d’autres, il avait fui, vers le sud, vers des pays musulmans qui accueillaient les fascistes et les nazis sans poser de questions, les accueillaient avec bienveillance, les aidaient et les remobilisaient pour servir le fascisme islamique de l’époque. Les nazis avaient, de 1923 – 1945, soutenu l’islamisation, le djihadisme, le nationalisme arabe, l’indépendance, avec la propagande, l’argent, l’organisation, l’équipement et la formation (nazi et islamique) (6).

Boualem Sansal s’en sert d’une factualité historique, le fait que la Turquie, l'Irak, la Syrie, l'Égypte, surtout, mais également d’autres pays dans la région, accueillaient, protégeaient, intégraient, en masse, les anciens criminels nazis et fascistes après 1945. En ouvrant les annales historiques, en s’interrogeant sur les liens entre les deux idéologies totalitaires, Boualem Sansal, frappe fort, très fort, mais surtout juste. Il ne s'agit pas d'une simple comparaison, mais d'une exploration des méthodes et des instruments utilisés par ces mouvements, qui, selon Sansal, partagent plus que des similitudes. Ainsi, le roman soulève des questions sur la violence, le fanatisme, les dangers de l'instrumentalisation de la religion à des fins politiques, tout en dénonçant la banalisation du mal.

En somme, c’est un roman magistral sur le mal, sur la culpabilité, sur les idéologies totalitaires.

Alger. Lettre de colère et d’espoir

L’essai de Boualem Sansal, « Poste restante : Alger. Lettre de colère et d’espoir à mes compatriotes » (2006) (7), publié deux ans avant son livre « Le village de l'Allemand », approfondit la critique qu’il adresse au bicéphalisme islamique militaire. Il souhaite, il espère, il rêve, d’une Algérie libre, d’une Algérie où les citoyens pourraient enfin vivre en liberté. Le livre débute, comme le titre l’indique, par une lettre à ses compatriotes :

            « Le prix du silence. Au fond, jamais nous n’avons eu l’occasion de nous parler, je veux dire entre nous, les Algériens, librement, sérieusement, avec méthode, sans a priori, face à face, autour d’une table, d’un verre. Nous avions tant à nous dire, sur notre pays, son histoire falsifiée, son présent émietté, ravagé, ses lendemains hypothéqués, sur nous-mêmes, pris dans les filets de la dictature et du matraquage idéologique et religieux, désabusés jusqu’à l’écœurement, et sur nos enfants menacés en premier sous pareil régime.

C’est bien triste. Et dommageable, le résultat est là. Une vie entière est passée, deux peut-être, davantage sans doute, et encore nous nous taisons, chacun dans son coin, avec chez certains, toujours les mêmes, nos grands dirigeants, perchés au-dessus de nos têtes, cet insupportable mépris au coin des lèvres qui est leur marque de fabrique, souriant à la ronde à la manière de ces vieux crocodiles qui tournent inlassablement autour du marigot, la gueule ouverte, l’œil inhumain, la queue prête à fouetter.

Il y a longtemps, trop longtemps, on va dire que nous ne nous sommes pas parlé. Comment mesurer le temps écoulé si personne ne bouge, si rien ne vient, si rien ne va ? Constater l’arrêt est un progrès, cela implique cette chose banale et fantastique que, quelque part, quelqu’un, un jour, vous, moi, un autre, ait dû s’entendre dire : « Dieu, où en sommes-nous après tant d’années livrées au silence ? » ou simplement : « Que se passe-t-il en ces lieux ? » Terribles questions. Des hommes sont morts sans savoir, et d’innombrables enfants arrachés à la vie avant d’apprendre à marcher, et des villes entières, qui furent belles et enivrantes, ont été atrocement défigurées. Le nom même de notre pays, Algérie, est devenu, par le fait de notre silence, synonyme de terreur et de dérision, et nos enfants le fuient comme on quitte un bateau en détresse.

Et combien de touristes l’évitent à toutes jambes ! La beauté de nos paysages et notre hospitalité légendaire ne font pas le poids devant les mises en garde des chancelleries et les alarmes insoutenables des médias et des ONG. Nous voilà seuls, à tourner en rond, ressassant d’antiques lamentations. » (8)

C’est formulé directement du cœur! Qui ne sent pas l’amour que l’auteur témoigne pour son pays, qui ne sent pas le désespoir, l’accablement, le découragement, qu’il ressent d’observer son pays à la dérive, soumise aux forces obscurantistes, passéistes, fascistoïdes, islamistes, pour ne rien ajouter sur la corruption, le clientélisme, le gangstérisme qui le gangrène. Chaque phrase témoigne de l’espoir de voir les choses changer, que les choses bougent, de voir l’Algérie se libérer de ses forces réactionnaires, les forces obscurantistes qui tiennent le peuple en chaînes de fer rouillées et corrompues. Un peuple libre n’a pas de chaînes!

Espérer par le vol des mots

Il ne va pas moins que Boualem Sansal exprime avec son livre « Poste restante : Alger », beaucoup de lassitude, de fatigue, de désespoir. À force d’espérer, à force de rêver, c’est malheureusement la lassitude qui arrive également au rendez-vous. À beau rêvé, Boualem Sansal affronte une réalité où les faits se moquaient des rêves d’un peuple. Ne reste alors que de lutter, lutter avec des paroles et des écrits, lutter pour que l’Algérie bouge dans une autre direction, lutter pour une réalité qui n’étouffe plus, ne censure plus, ne cancelle plus.

Même dans le noir, on peut espérer de lumière ?  Comme il  confesse :

« Et voilà qu’aujourd’hui, nous en sommes là, hagards et démunis, immobiles et penauds, n’ayant plus rien à renier ou à aimer. La surprise, le vertige, les entourloupes à l’entame de chaque nouvelle ère, le suspense haletant du feuilleton, je ne vois d’autre explication à notre silence. Je ne dis pas lâcheté, nous n’avions ni arme, ni galon, pas même un peu de cette folie ardente qui agite les désespérés du bout du monde, pour renverser la table et prendre le micro. Quand on est sans voix, on est lent à la détente. Il y a aussi que nous sommes des hommes de paix, la nature nous a faits ainsi, patients et crédules, parfois versatiles et insouciants, et, le cas échéant, futiles et chatouilleux. Le mal a submergé le bien sous nos yeux, rien n’est plus tragique. » (9)

La lucidité fait autant partie de la médaille. Boualem Sansal ne croit pas que l’Algérie soit capable de se transformer radicalement du jour au lendemain. Ses diagnostiques du pays, qu’il adresse à ses compatriotes en témoignent, l’Algérie c’est plutôt un éléphant et le système, le bicéphalisme islamiste-militaire, est fermement en selle, solidement ancré et difficile à réformer. Les forces réactionnaires sont simplement trop bien implantées et le peuple trop faible, trop divisé, trop incertain, sur ce qu’il veut.

Pour beaucoup d’Algériens, le futur c’est donc, hélas, simple : quitter l’Algérie, aller ailleurs, aller là où le futur serait meilleur. Ce que signifie la France, l’Europe et tout pays disponible à les accueillir. Un constat, qui fait mal au Grand Récit national algérien focalisant sur l’histoire coloniale par la France et sur l’oubli, l’amnésie, de ce qui se produit depuis l’indépendance le 5 juillet 1962. Le pouvoir algérien veut nous faire croire que rien ne se produit en Algérie depuis 1962, depuis trois générations! Et il y a, curieusement, des sots qui adhèrent à une telle thèse ingénue!

Les Gardiens autoproclamés du temple (les GAT)

Un des aspects que frappe en lisant Boualem Sansal, ce sont ses réflexions face à la politique, officielle et indirecte, de censure, d’effacement, de non-dit. Et il a été censuré! Lourdement et systématiquement! Dès le début! Les « propriétaires » (sic!) du pays n’ont guère apprécié ni ses romans, ni ses essais, ni son activité journalistique. Là il n’y a rien de nouveau, le Pouvoir n’aime pas la parole hors contrôle, la parole libre!

La censure n’a pourtant pas été exclusivement exercée par l’appareil étatique algérien et par les forces de l’oppression islamiste, la censure a également été mise en œuvre par des idiots utiles, ceux que Boualem Sansal intitule « les gardiens autoproclamés du temple, les GAT ».

« Mes précédents livres m’ont disqualifié aux yeux de beaucoup. Vous les connaissez, peut-être vous ont-ils flagellés un jour, ce sont les gardiens autoproclamés du temple, les GAT comme les désignait d’un clin d’œil l’ami Belkacem, ils bondissent sur tout ce qui bouge. Les mieux nourris sont les plus dangereux. On les croise partout, toujours prêts à regarder le monde de haut. Ils sont bardés de titres et jouissent de gros pistons, ils sont chefs de ceci ou de cela, hauts fonctionnaires, universitaires, journalistes, intellectuels, militants, députés, tous engagés dans le système, mais ça peut être n’importe qui, l’essentiel est que le censeur bénévole s’imagine sur la rampe de lancement et croie qu’un scalp de récalcitrant arrangerait ses affaires. Ouvrez seulement le bec et les voilà sur votre dos, les yeux exorbités, la mort entre les dents : « Tu n’as pas le droit de dire ceci, tu n’as pas le droit de penser cela, tu n’es pas un Algérien, tu ne mérites pas d’exister », puis, tout fiers, ils rameutent la garde mobile et toisent la chiourme apeurée. Dans une autre vie, ils ont dû être de la Sainte Inquisition, le bûcher leur manque. Si on échappe à la censure de l’Appareil et à la sienne propre, on tombe sur la leur, elle est impitoyable. Le mieux est de ne rien écrire et surtout pas ce que chacun pense tout bas. » (10)

Se taire est-il mieux ? Se taire pour plaire, pour passer inaperçu, pour se fondre dans le gris! Mais se taire signifie, hélas, se nier, nier ce qu’on est, ce qu’on aspire à être, nier la parole libre, la liberté pour tous. Se taire n’est-il pas lâche?

Les mots de Boualem Sansal sur les GAT, les Gardiens Autoproclamés du Temple, sont magnifiques. Il vise juste et touche dans le mille. Les paroles sont tellement justes qu’elles peuvent avec justesse être réadressées aux partisans du politiquement et moralement correct, aux postmodernes, aux wokes, et à tous les réactionnaires qui grouillent dans nos universités, nos élites culturelles, nos salles de rédaction. Les GAT ont du pouvoir et la censure, « le cancelling » (l’anti-culture de l’annulation et de l’effacement), est autant leur arme que leur objectif.  

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« Le GAT résidant en France, pour ne pas la nommer, est le plus enragé. À quoi cela tient-il ? Peut-être seulement au fait qu’il vit en France, dans l’ambiguïté et le non-dit. Inutile de lui jurer que vous chérissez le bled autant que chacun, de lui rappeler que vous y vivez envers et contre tout, que vos critiques, loin d’attenter à l’honneur du pays et du peuple, visent ceux-là qui les ont mis dans cette horrible situation. Si vous lui dites que les bons lecteurs ne s’y trompent pas, vous êtes mort. Je ne le comprends pas, celui-là, pourquoi a-t-il fui le pays ? Et pourquoi n’y retourne-t-il pas à présent qu’il est libre de ses mouvements et d’avoir des opinions sur tout ? Parmi nous, il exercerait son sacerdoce en toute limpidité et à bien plus grande échelle. » (11)

« J’aimerais leur dire que la dictature policière, bureaucratique et bigote qu’ils soutiennent de leurs actes ne me gêne pas tant que le blocus de la pensée. Être en prison, d’accord, mais la tête libre de vagabonder, c’est ça que j’écris dans mes livres, ça n’a rien de choquant ou de subversif. » (12)

D’accord. C’est bien exprimé et juste!  On oublie que la censure, trop souvent, c’est un avertissement, une note qui annonce que, si tu continues, si tu ne te plies pas, c’est l’exclusion, le cancelling, la vaporisation (comme le dit George Orwell) qui t’attend. La censure est autant dangereuse quand elle se réalise par de lobbys, par des ONG, par des « exaltés », que par l’appareil de l’État.

Là, il faut se rappeler que « La liberté se prend », que la liberté de pensée, de s’exprimer, de publier, de s’adresser à l’autre, ne soit pas donnée, mais elle doit être acquise, conquise ou saisie, jour par jour, lutte par lutte.

La paix des cimetières et le retour des égorgeurs

Dans notre article de réflexion (13) sur le beau livre de Kamal Daoud, Houris (14), nous avons rencontré le référendum bidon (et orchestre) de 2005, légalisant l’amnistie accordée aux terroristes islamistes-fascistes. Nous avons analysé l’effet ignoble et paralysant de cette législation scélérate, instaurée sans discernement, sans incriminer des assassins, des terroristes, des violeurs. Pire, en établissant, par une loi scélérate, une loi de l’amnésie nationale, l’élite bicéphale militaire et islamofascistes, a agi de façon ignoble. Boualem Sansal le pense et il le dit avec franchise.

« Le 29 septembre 2005, le jour du référendum, souvenons-nous, nous avons voté quoi à 98 % sous couvert de réconciliation et de paix ? L’amnistie des terroristes et, concomitamment, celle des commanditaires, n’est-ce pas ? Le scrutin était truqué, pourri, arrangé d’avance, nous n’avons pas voté ! Eh bien, c’est de ça et d’autres sujets qui fâchent nos gardiens que je souhaite vous entretenir. » (15)

Drôle de résultat! Oui, les résultats électoraux du 29 septembre 2005 ont de quoi s’étonner! Un score surprenant! Magique! Le résultat officiel était : inscrits : 18 313 594. Participation de 79,76 %. Votes nuls : 171 507. Oui : 97,36 %. Non : 2,64 %. C’est beaucoup mieux que les élections libres (sic!) des anciennes «Républiques«» soviétiques. Quand Boualem Sansal dit que les scores électoraux n’ont aucun sens, que les résultats sont truqués, pourris, arrangés d’avance, nous sommes inclinés à le croire.

« Il nous faut parler de la guerre des islamistes et des commanditaires de 1992-1999, et du référendum pour la réconciliation et la paix du 29 septembre 2005, si puissamment défendue par le Président en personne. Ledit scrutin devait marquer la fin d’une époque douloureuse, or, déjà, le jour même, à vingt heures passées d’une minute, il a ouvert la phase deux de la Normalisation, elle a pour nom : la moubaaya (16), l’allégeance éternelle au trône. Pas un clan, pas une famille n’ont manqué à la cérémonie. Il est des paix qui sentent la mort et des réconciliations qui puent l’arnaque. Il n’y a rien de juste, rien de vrai dans l’affaire.

Oui donc, ce 29 septembre 2005, nos voix ont été réquisitionnées pour amnistier ceux qui, dix années durant et jusqu’à ce jour, nous ont infligé des douleurs à faire pâlir de jalousie Satan et son armée infernale. Alors que la victoire du courage et de la raison sur la folie et la lâcheté était acquise, nous avons subitement perdu le souffle et l’attention. Que s’est-il passé ? Les urnes ont été bourrées, d’accord, mais pourquoi n’avons-nous pas réagi ? Amnistier en masse des islamistes névrosés et blanchir des commanditaires sans scrupules tapis dans les appareils de l’État n’est pas comme élire un Président imposé, que l’on ne connaît pas ou que l’on ne connaît que trop. Étions-nous fatigués de cette si longue guerre imposée ? Oui, j’entends bien et cela je le comprends assez : nous étions abasourdis. Mais quand même, c’est douloureux de vivre avec l’idée que nos urnes ont servi de machine à laver le linge sale des clans au pouvoir.

Il reste à espérer que le tueur fou et le kapo sans foi se réinséreront calmement dans la société. L’avenir vous le dira. Pour ma part, je n’y crois pas, le cirque qui a enfanté ces phénomènes n’est pas démonté, que je sache. Retenons ceci, mes chers compatriotes : le devoir de vérité et de justice ne peut tomber en forclusion. Si ce n’est demain, nous aurons à le faire après-demain, un procès est un procès, il doit se tenir. Il faut se préparer. » (17)

Pas uniquement un drôle de référendum, mais également une drôle d’amnistie! Les assassins, des tortionnaires, les violeurs, doivent-ils être remerciés? Parce qu’ils sont islamistes? Parce que le peuple qui a tout subi ne compte pas? Mais faut-il alors se moquer de la souffrance du peuple en ajoutant un affront au bon sens, retourner le fer dans la plaie par une législation scélérate qu’impose le bâillon? Cela a-t-il vraiment de sens? Ou le régime a-t-il plus besoin de l’appui des islamistes que du peuple?  

Un théocratie déguisée et oppressive

La critique que Boualem Sansal adresse à l’islamofascisme, au réactionnairisme (sic!) islamique, à la tutelle islamique qui asphyxie et étrangle le peuple algérien, est directe et franche, il ne les aime pas. Si tout cela est esquissé dans le livre « Poste restante : Alger : lettre de colère et d'espoir à mes compatriotes », il est encore plus explicite dans « Gouverner au nom d'Allah : Islamisation et Soif de pouvoir dans le monde arabe » (2013) (18) et dans « Lettre d'amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la terre » (2021) (19).

Dans son livre « Gouverner au nom d'Allah : Islamisation et Soif de pouvoir dans le monde arabe », Boualem Sansal estime que l’islam politique est aujourd’hui le mouvement réactionnaire le plus dangereux au monde, une aberration incapable de coexister en paix avec une humanité qui ne rêve que de ça! L’islam politique? Boualem Sansal se souvient dans son Algérie que :

« Nous les avons accueillis avec sympathie, un brin amusés par leur accoutrement folklorique, leur bigoterie empressée, leurs manières doucereuses et leurs discours pleins de magie et de tonnerre, ils faisaient spectacle dans l'Algérie de cette époque, socialiste, révolutionnaire, tiers-mondiste, matérialiste jusqu'au bout des ongles, que partout dans le monde progressiste on appelait avec admiration « la Mecque des révolutionnaires". (….) Quelques années plus tard, nous découvrîmes presque à l'improviste que cet islamisme qui nous paraissait si pauvrement insignifiant s'était répandu dans tout le pays. (…) Nous l’avons ensuite vu se radicaliser au fil des ans (…)» (20)

Résultat, l’Algérie tout entière s’engouffra dans une guerre civile (1992-2002), avec le fascisme islamique à l’une côté et le pouvoir militaire à l’autre. Un guerre civile où c’étaient les gens ordinaires qui payaient le prix, avec des carnages, des kidnappings, des viols, des épurations, etc. Ce que révélait le vrai visage de l’islamisme politique! Gouverner au nom d’Allah, assouvir sa soif de pouvoir, de pouvoir absolu, c’est le totalitarisme fasciste, c’est la descente en Enfer.

Boualem Sansal raconte tout cela de façon concrète, à la façon comment cela se produisait en Algérie, il le fait en s’interrogeant sur les acteurs, les supporteurs, les idiots utiles, de la propagation de l'islamisme : sur les États prosélytes, les élites opportunistes, les intellectuels silencieux, les universités, les médias, sur « la rue arabe ». Les uns cherchaient le pouvoir, les autres s’embourbaient dans des idées proclamant que « la réalité est ailleurs ». À Boualem Sansal de refroidir les ardeurs, à brosser un tableau d'ensemble des courants islamistes, de se questionner sur l'échec de l'intégration dans les pays d'accueil des émigrés, de s’interroger sur la dérive et le désespoir des jeunes musulmans face aux chômages, face au no futur dans leurs pays d’origine.

Là où il arrive, c’est dans une mise en garde, l'islamisme politique tend à s'imposer, mais il est très mal évalué par les pouvoirs occidentaux qui lui opposent des réponses inappropriées, molles et cédantes. Il critique que les pouvoirs occidentaux, soutenus aveuglement par des élites universitaires et contre culturelles, abandonnent à leur sort les femmes et les jeunes, les principales victimes de l’islamisme.

Le critique de l’islamisme politique prend une tournure supplémentaire et éclairante dans le livre « Lettre d'amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la terre ». Boualem Sansal fait comprendre l’islamisme politique par la formule de « jeux d’arène », équivalente aux « jeux de guerre » des jeux électroniques, dans le sens que la stratégie de l’islamisme politique pour gagner, pour s’imposer, pour entrer (i.e. l’entrisme) dans les institutions, se fait par la dissimulation pour les détourner, les maîtriser, les aveugler, et par le fait de rejouer le « jeu d’arène » jusqu’à l’épuisement de ceux qui s’opposent. Boualem Sansal le constate c’était la stratégie qui a été utilisée en Algérie et qui a produit le bicéphalisme islamiste-militaire anesthésiant la société. C’est, il le confirme, la stratégie qu’utilise aujourd’hui, partout dans le monde, l’islam politique pour s’imposer, pour subjuguer, pour supprimer, pour canceller, la liberté, l’égalité, la solidarité, voir radier la Lumière de la raison.

Briser les chaînes oppressives                                       

Boualem Sansal souhaite la laïcité! En Algérie et dans tout le Maghreb. Il la souhaite au nom de la dignité, il souhaite que soit démantelé, entièrement, le dispositif oppressif de l’islamisme dans toutes ses formes publiques. Et il souhaiterait l’installation de la démocratie et le retour des militaires dans les casernes et sous contrôle politique et démocratique. Pour lui, la laïcité, c’est une libération du peuple, nécessaire pour changer les données, pour briser les chaînes, pour préparer le chemin vers des réformes démocratiques.

Nous l’avons dit, Boualem Sansal c’est un partisan pour la laïcité, pour la laïcité de ce qui est commun (et la liberté religieuse dans le domaine privé). Son livre « Lettre d'amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la terre » débouche sur la proposition (utopique) d’une Constitution universelle, une constitution laïque, libre à chacun de croire ce qu’il veut et de laisser son prochain en paix.

La liberté guidant le peuple

La Liberté guidant le peuple (1830) est une huile sur toile d'Eugène Delacroix réalisée en 1830, inspirée de la révolution des Trois Glorieuses, se contemplant aujourd’hui dans le Musée du Louvre. L’ultime texte que nous analysons de Boualem Sansal, « Discours pour le prix de la Paix des libraires et éditeurs allemands : Francfort-sur-le-Main, 16 octobre 2011 » (21), porte en fait sur la liberté, telle que la paix véritable, selon l’auteur, se conjugue avec la liberté assurée pour tous. « L'absence de liberté est une douleur qui rend fou à la longue. Elle réduit l'homme à son ombre et ses rêves à ses cauchemars » (22). Nous estimons qu'il a raison.

Il voit le prix qui lui a été accordé en 2011 comme un geste qui « témoigne de l’intérêt que vous portez à nos efforts, nous, peuples du Sud, de nous libérer de nos méchantes et archaïques dictatures dans nos pays, dans ce monde arabo-musulman jadis glorieux et entreprenant, mais fermé et immobile depuis si longtemps que nous avons oublié que nous avons des jambes et une tête, et qu’avec des jambes on peut se tenir debout, marcher, courir, danser, s’il vous plaît, et avec sa tête faire cette chose inconcevable et magnifique, inventer l’avenir et le vivre au présent dans la paix, la liberté, l’amitié ». (23)

Il confesse également que :

« Dans un pays qui n’a connu que la dictature, celle des armes et de la religion, la seule idée qu’on peut avoir de la paix est la soumission, ou le suicide, ou l’émigration sans retour. L’absence de liberté est une douleur qui rend fou à la longue. Elle réduit l’homme à son ombre et ses rêves à ses cauchemars. Le peintre Giorgio De Chirico disait cette chose troublante : “Il y a plus d’énigmes dans l’ombre d’un homme qui marche au soleil que dans toutes les religions passées, présentes et futures.” C’est possible, et sans doute vrai, mais il n’y a que de la honte et rien de mystique dans la douleur chez l’homme qui se réduit à son ombre. Qui n’est pas libre ne respectera jamais l’autre ni l’esclave, car son malheur ne lui rappelle sa propre humiliation ni celui qui est libre, car son bonheur est une insulte pour lui. Seul le désir de liberté le sauvera de la haine et du ressentiment. Sans ce désir consciemment porté, nous ne sommes pas des humains, il n’y a rien de vrai en nous. » (24)

De toute évidence, le « vrai en nous », c’est le contraire de l’aplaventrisme, l’obéissance volontaire, d’être apprivoisée et au genou. Ce qu’est vraiment « vrai en nous », c’est pour Boualem Sansal la liberté qui ne se quémande pas, qui nous appartient en propre, comme liberté de désobéir, de s’exprimer librement, de penser librement, d’aimer librement, de s’instruire librement, et avant tout la liberté de jeter à la poubelle toutes les idées, les régimes, les institutions, qui oppriment. La liberté, c’est la liberté d’être libre!

Un fin non heureuse

Nous n'arrivons pas à une fin heureuse? Avec Boualem Sansal, nous l’avons dit, croupissant, injustement, dans les geôles d’Algérie, il n’y a pas de fin heureuse! Nous ne pouvons rien pour lui. Les arcanes du pouvoir bicéphale islamiste-militaire mal gouvernant Algérie échappe autant à la Raison qu’à la morale (pour ne rien ajouter concernant la démocratie)! Le totalitarisme, autant la version islamiste-militaire d’Algérie (que toutes les autres versions), ne soit que bêtes, et attribuer de la raison aux dirigeants du totalitarisme ne relève, comme l’histoire nous instruit, que de la charité mal placée! Le totalitarisme aime voir les gens au genou, les yeux baissés, en soumission, et ne se soucie guère de notre protestation, de notre critique, de notre opposition. Et pourtant, nous n’aimons pas le totalitarisme, nous creusons volontairement le sol sous ses pieds pour qu’il tombe. Le temps est mûr pour que « (….) se manifestent autour de nous des phénomènes précurseurs : ils sont le signe que l’Esprit, cette vieille taupe », a encore du travail à faire, et « qu’il va bientôt réapparaître pour rendre sa justice »  (25).

Un fin heureuse se célèbre quand Boualem Sansal quitte la geôle! Toutefois, avant que cela se réalise, il faut lire Boualem Sansal. Il faut le lire pour savoir pourquoi  comme il l'a affirmé, « (..) nous, les Algériens, nous sommes mis dans la catégorie : peuples vivant dans la pauvreté dans des pays riches gouvernés par des régimes ruineux» (26), le lire pour savoir pourquoi « (..) l’Algérie est un pays immensément riche et les Algériens cruellement pauvres. C’est rageant comme de mourir de soif au milieu d’un lac profond et frais. Ce qui n’est pas perdu par la dilapidation l’est sans faute par la corruption. » (27).

Surtout, il faut lire Boualem Sansal, parce qu’est un romancier qui écrit bien avec une langue ensorcelante et qui a des histoires à partager, il faut lire ses essais parce qu'ils révèlent sa volonté de témoigner pour des humbles, témoigner contre la bêtise islamiste et fascistes, les aveuglements volontaires et tous les mouvements réactionnaires qur l'on endosse sans réfléchir.

NOTES

1.Voir le libre omnibus, Boualem Sansal, Romans 1999 – 2011, Paris, Gallimard, coll. Quarto, 2015.

2. Boualem Sansal, Le Serment des barbares, Pairs, Gallimard, 1999; en poche « Folio » no 3507.

3.Boualem Sansal, Le Village de l'Allemand ou Le Journal des frères Schiller, Paris, Gallimard, 2008. (Repris en Folio).

4. SS signifie la Schutzstaffel (de l'allemand « escadron de protection »), c’était l’armé idéologique et paramilitaire du régime hitlérien de 1933 – 1945. La SS était en première ligne dans toutes les politiques de répression hitlériennes et surtout dans la politique de l’Holocauste.

5. Primo (Michele) Levi, Si c'est un homme (1947), Paris, Julliard, 1947 (réédité à plusieurs reprises).

6. Barry Rubin et Wolfgang G. Schwanitz, Nazis, Islamists, and the Making of the Modern Middle East, New Haven, Yale University Press, 2014. David Motadel, Islam and Nazi Germany’s War, ‎Cambridge, Harvard University Press, (2014) 2017. Klaus Gensicke, The Mufti of Jerusalem and the Nazis: The Berlin Years, London, Vallentine Mitchell, 2015.

7. Boualem Sansal, Poste restante : Alger : lettre de colère et d'espoir à mes compatriotes, Paris, Gallimard, coll. Folio no 4702, 2006.

8. Boualem Sansal, Poste restante : Alger : lettre de colère et d'espoir à mes compatriotes, op. cit. p 8.

9. Boualem Sansal, Poste restante : Alger : lettre de colère et d'espoir à mes compatriotes, op. cit. p 9.

10. Boualem Sansal, Poste restante : Alger : lettre de colère et d'espoir à mes compatriotes, op. cit., p 16

11. Boualem Sansal, Poste restante : Alger : lettre de colère et d'espoir à mes compatriotes, op. cit., p 16, 17.

12. Boualem Sansal, Poste restante : Alger : lettre de colère et d'espoir à mes compatriotes, op. cit.,  p 18.

13. Bjarne Melkevik, « Il ne faut pas oublier ! Kamel Daoud, le roman Houris, et la guerre civile algérienne de 1992 à 2002. », Chronique sur le site Tolerance.ca – 11 février 2025.

14. Kamel Daoud, Houris, Paris, Gallimard, 2024. Le roman a gagné le Prix Concourt pour 2024.

15. Boualem Sansal, Poste restante : Alger : lettre de colère et d'espoir à mes compatriotes, op. cit., p 19, 20.

16. Allégeance. Un référence culturelle vers l’événement « moubaaya / moubayaâ (allégeance) qui s’est déroulé le 27 novembre 1832 quand l’émir soufi Abdelkader ibn Muhieddine (1808-1883) fut proclamée chef de la résistance à l’invasion française. Abdelkader était membre de la confrérie soufi la Qadiriyya (confrérie de Qadir). Le mysticisme confrérique de la Qadiriyya représente une varient soufi déviant, versant vers théocratie.

17. Boualem Sansal,  p 36.

18. Boualem Sansal, Gouverner au nom d'Allah : Islamisation et Soif de pouvoir dans le monde arabe, Paris, Gallimard, 2013.

19. Boualem Sansal, Lettre d'amitié, de respect et de mise en garde aux peuples et aux nations de la terre, Paris, Gallimard, 2021.

20. Boualem Sansal, Gouverner au nom d'Allah : Islamisation et Soif de pouvoir dans le monde arabe, op. cit. p 13, p 16.

21. Boualem Sansal, Discours pour le prix de la Paix des libraires et éditeurs allemands : Francfort-sur-le-Main, 16 octobre 2011, Paris, Gallimard, coll. Tracts, 2025.

22. Boualem Sansal, Discours pour le prix de la Paix des libraires et éditeurs allemands, op. cit., p

23. Boualem Sansal, Discours pour le prix de la Paix des libraires et éditeurs allemands, op. cit., p 5.

24. Boualem Sansal, Discours pour le prix de la Paix des libraires et éditeurs allemands, op. cit., p 16.

25. Mikhaïl Bakounine, La Réaction en Allemagne. Les adversaires de la liberté (1842), trad. J. Barrué, in Spartacus, 35B, juillet-août 1970, p. 103.

26. Boualem Sansal, Poste restante : Alger : lettre de colère et d'espoir à mes compatriotes, op. cit., p 37.

27. Boualem Sansal, Discours pour le prix de la Paix des libraires et éditeurs allemands, op. cit., p  17.

13 août 2025

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* Image Boualem Sansal Wikipedia


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La Chronique de Bjarne Melkevik
par Bjarne Melkevik

Bjarne Melkevik, docteur ès droit de Paris II, professeur à la Faculté de droit de l’Université Laval (Québec), est un auteur prolifique dans le domaine de la philosophie du droit, de l’épistémologie et de méthodologie juridique. Ses plus récentes publications incluent... (Lire la suite)

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