Arborer sa féminité au XXIe siècle, c'est être belle et sexy… en tout temps!
par
Véronick Talbot, collaboratrice, engagée dans le cadre de nombreux projets d'étudiants de Tolerance.ca

Voilà ce que pensent aujourd’hui la majorité des jeunes filles : être belle et sexy, même à l’école! Et si l’uniforme commence à se répandre dans les écoles secondaires, il n’en va pas de même au collégial où le phénomène des adolescentes arborant des tenues très sexualisées est encore présent. Certaines diront que c’est leur droit, mais cette liberté qu’elles se donnent n’est pas toujours sans conséquences.
Être sexy pour être bien dans sa peau
La plupart des adolescentes qui veulent être sexy vous diraient qu’elles le font pour être bien dans leur peau et parce qu’elles aiment se sentir valorisées par les garçons. Même si ces vêtements sont inconfortables, ils permettent aux filles d’avoir confiance en elles et c’est ce qui est le plus important à leurs yeux. « Je crois que la tenue vestimentaire est un choix personnel, et que si une personne, peu importe son âge ou son sexe, décide de s’habiller de telle ou telle façon, c’est parce qu’elle se trouve belle ainsi. C’est ce qui compte, selon moi », précise Véronique Vachon, étudiante en radiodiagnostic au collège Ahuntsic.
Pour sa part, Simon Larose, spécialiste en psychologie sociale et en adolescence à l’Université Laval, croit lui aussi que les adolescentes s’habillent ainsi pour avoir confiance en elles. Néanmoins, il est persuadé qu’elles adoptent ces moyens pour développer leur estime de soi, non parce qu’elles se trouvent belles mais plutôt parce qu’ainsi, elles ne sont pas différentes des autres. « Je crois que le choix des tenues sexualisées qu’elles portent est influencé par la mode et par le besoin d’appartenance au groupe des pairs. Les filles, comme les garçons, ont besoin pendant l’adolescence de sentir qu’elles sont acceptées par les autres et sont très sensibles à ce que les autres pensent d’elles, ou à ce qu’elles pensent que les autres pensent d’elles. Le public imaginaire, c’est-à-dire le fait de se voir comme l’acteur au centre d’une scène, est une perception sociale typique de l’adolescence qui entraîne beaucoup de conformisme et qui explique en partie le désir de ressembler à son groupe. » Selon lui, c’est parce que leurs valeurs changent que les filles, devenues adultes, s’habillent de façon plus posée. « Comme le groupe de pairs devient moins central et comme les jeunes sont plus critiques par rapport à l’information qu’ils reçoivent, ils développent leurs propres schèmes de valeurs qui finissent par ressembler davantage à ce qu’ils ont vécu dans la famille qu’aux influences de la mode et des amis. »
Les opinions sont diversifiées entre les élèves et les professeurs mais tous s’accordent pour dire que le choix des tenues des étudiantes peut parfois trop canaliser l’attention des garçons autant que des filles. « J’aime être sexy mais d’attirer l’attention peut avoir ses côtés négatifs. Si les gars me font des signes ou si je me sens regardée, il est certain que je vais être déconcentrée de mes travaux », souligne Iris Rubio, étudiante en archives médicales au collège Ahuntsic. Philippe Tardif, étudiant en génie civil au cégep Montmorency, se dit lui aussi distrait par les filles affichant ces tenues. « Il est certain qu’une belle fille qui dévoile son corps dans un cours va davantage capter l’attention des gars que ce que dit le professeur et ainsi les déconcentrer de la matière qui leur est enseignée ».
Mais les filles sexy, est-ce que ça déconcentre les gars ?
Face à ce phénomène, devrait-on imposer un code vestimentaire dans les cégeps? Le spécialiste en adolescence, André Turmel, professeur à l’Université Laval, croit que l’on devrait fixer certaines limites, sans que ça ne soit trop répressif, afin que les étudiants prennent conscience qu’il y a certains endroits où il faut davantage soigner sa tenue. « Il faut poser le problème, il faut que les parents et les institutions agissent afin de montrer aux jeunes que, dans certaines circonstances, on ne s’habille pas n’importe comment. Par contre, il ne faut pas non plus adopter une attitude totalement répressive car la répression conduit toujours à une attitude contraire à ce qui est recherché. Il ne s’agit que de poser des petits gestes afin de leur faire prendre conscience des enjeux en cause. » Néanmoins, la plupart d’entre eux sont défavorables à cette idée parce que ce serait aller à l’encontre de la liberté des jeunes. « Tant que ce n’est pas carrément vulgaire ou déplacé, moi je n’ai vraiment pas de problème. Je suis pour la liberté dans ce cas-là. La tenue vestimentaire, c’est normalement quelque chose qui regarde la personne elle-même, qu’elle soit étudiante ou non », souligne Jean-Marc Côté, enseignant en littérature au collège Ahuntsic. À cela, M. Turmel répond que « la liberté ne signifie pas de s’habiller n’importe comment, surtout pas à l’école ».
En France, on a commencé à imposer des codes vestimentaires dans les lycées, dans lesquels on retrouve des jeunes âgés entre 15 et 20 ans. « Les filles trouvent quand même le moyen de paraître sexy. Elles roulent leurs jupes, mettent des souliers à talons hauts, affirme, en entrevue, Élody Grattepanche, étudiante en droit qui habite Paris. Même si cela a enrayé le problème des vêtements trop moulants, ça n’a rien changé à l’allure sexy des adolescentes ». Pour le spécialiste Simon Larose, il n’est pas étonnant que le phénomène des adolescentes qui se vêtent de façon sexualisée se répercute internationalement. « Avec la mondialisation économique et culturelle et la révolution technologique, les jeunes filles des pays industrialisés, tout comme les garçons, finissent par adopter des habitudes de consommation qui se ressemblent. Malheureusement, le modèle de consommation le plus universel est le modèle américain. »
«Ce n’est pas notre tenue qui nous empêche de refuser des avances non désirées»
Même si plusieurs craignent que les garçons prennent les tenues sexualisées des adolescentes pour une invitation, ces dernières, même en s’habillant ainsi, sont conscientes des conséquences que peuvent avoir leurs vêtements. « Nous savons nous respecter nous-mêmes. Ce n’est pas notre tenue qui va nous empêcher de refuser les avances d’un gars si nous ne sommes pas intéressées », explique Iris Rubio. Ainsi, il ne faut pas trop s’inquiéter que le phénomène n’entraîne des activités sexuelles précoces chez les jeunes filles et chez les adolescents en général. « Vingt ans auparavant, il y avait davantage de jeunes qui commençaient leurs activités sexuelles pendant l'adolescence. Or, aujourd'hui, ce nombre a diminué, ce qui démontre que, contrairement à ce que croient les gens, la tenue vestimentaire des adolescentes n'a pas autant de conséquences sur ce sujet », a souligné M. Larose.
De toute façon, Messieurs Larose et Turmel s’accordent pour dire que le phénomène n’est que passager et que ces tenues ne sont que le moyen qu’ont trouvé les adolescentes du 21e siècle pour exprimer leur féminité. « C’est comme le phénomène inverse qui a existé dans les années 60. Les femmes s’habillaient des chevilles au cou. À ce moment-là, c’est ce que les filles aimaient porter », conclut M. Turmel.
Bref, même si leur tenue peut souvent entraîner maintes discussions, l’apparence sexy des adolescentes d’aujourd’hui leur permet d’acquérir une certaine confiance en elles. C’est leur façon d’exprimer leur féminité et de se faire valoir aux yeux des hommes.

Cet article fait partie d'une série sur la diversité des valeurs et des croyances religieuses dans les milieux collégial et universitaire réalisée grâce à la contribution financière de :
* © Reuters