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Israël. Les prisonniers palestiniens libérés deviendront-ils de futurs artisans de la paix?

par Robi Damelin

Tel Aviv – Tout le pays en parle : plus d’un millier de prisonniers palestiniens, dont un grand nombre étaient impliqués dans des attentats suicides meurtriers, vont être échangés contre la libération du soldat israélien Gilad Shalit, enlevé et tenu en captivité à Gaza depuis plus de cinq ans.

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En effet, le processus de libération de Gilad Shalit qui a commencé par le retour cette semanine de 477 sur les 1027 prisonniers qui sont censé être libérés prochainement, a fait la une de l’actualité internationale.

Alors que les Israéliens sont heureux que ce jeune homme retrouve enfin sa famille, certains d’entre eux, qui portent le deuil d’un proche, pensent néanmoins que les auteurs des attentats qui ont coûté la vie à ceux qui leur étaient chers ne devraient jamais recouvrer la liberté.

Moi, j’ai perdu mon fils, David, en 2002, lors d’un échange de tirs en Cisjordanie. D’abord on m’a dit que l’assassin de mon fils pourrait faire partie des prisonniers libérés cette semaine. Puis, j’ai appris que ce n’était pas certain. Quoi qu’il en soit, quand j’ai su que cela pourrait se produire, j’ai pris du recul pour chercher en mon for intérieur ce que je ressentais vraiment par rapport à tout cela. Il fallait que je sache si je croyais sincèrement toutes ces choses que j’affirmais à propos de la nécessité d’une réconciliation entre nos deux peuples et du besoin de comprendre la souffrance d’une mère juive tout autant que celle d’une mère palestinienne. Comment allais-je prendre une éventuelle libération de l’assassin de David?

La réponse m’a paru évidente : la vie de Gilad et la sérénité de sa famille vaut plus que tout. Bien plus en tout cas que la petite satisfaction ou le sentiment de vengeance que je pourrais tirer du fait que l’assassin de David croupirait en prison pour le reste de sa vie. Le savoir en prison ne changerait pas le vide laissé dans mon cœur. Aucune vengeance ne répare la perte d’un être cher. Moi aussi, j’aurais libéré la planète entière pour qu’on me rende David.

Je fais partie d’une association de Palestiniens et d’Israéliens appelée Cercle des Parents – Forum des Familles, qui regroupe plus de 600 familles ayant perdu un proche dans le conflit qui divise nos deux peuples. Nous voudrions à long terme créer un cadre pour le processus de réconciliation et faire en sorte que ce processus soit complètement intégré dans tout accord politique à venir.

Lorsqu’on a su que l’assassin de David pourrait être libéré, mes amis palestiniens du Cercle des Parents-Forum des Familles m’ont tout de suite appelée. Ils avaient écouté attentivement les noms des prisonniers faisant partie de l’échange et avaient entendu que l’assassin de David pourrait figurer parmi eux. Très agités par cette nouvelle, mes amis voulaient venir me rendre visite depuis la Cisjordanie, pour être à mes côtés. Ils m’ont ensuite dit qu’ils étaient fiers de ma réaction tout en comprenant à quel point cette situation m’était difficile à vivre.

Mais moi, je pense à la souffrance des mères palestiniennes de notre groupe. C’est la même souffrance et les mêmes larmes. Certains hommes membres de notre groupe ont fait de la prison, or aujourd’hui ce sont d’inlassables militants de la réconciliation
Par ailleurs, mes rencontres avec d’anciens prisonniers sud-africains ou irlandais qui ont tout autant de sang sur les mains que certains prisonniers palestiniens m’ont beaucoup influencée. Le fait est que ces Sud-africains et ces Irlandais ont beaucoup changé, ils ont joué un rôle primordial dans le processus de réconciliation dans leurs pays respectifs. Peut-être que nous aussi, nous devrions envisager le chemin réparateur de la justice.

En Afrique du Sud, j’avais rencontré une mère, de race blanche, qui avait perdu sa fille. Elle avait fondé, avec l’homme responsable de la mort de celle-ci, une organisation pour venir en aide aux anciens combattants. C’est ainsi qu’on comprend comment dépasser son statut de victime.

Je ne veux être la victime de personne. Je ne veux pas être la victime du jeune homme qui a tué mon fils. Je vais essayer de comprendre ce qu’il a fait et pourquoi il l’a fait. Même si cela était très difficile pour moi, je suis allée voir l’avocat de ce jeune homme pour comprendre qui il était. Le chemin de la réconciliation passe par la compréhension.

Je pense à mon fils adoré David. S’il n’avait pas été tué par un franc-tireur, il se serait certainement rendu, par solidarité, à la tente dressée par la famille Shalit [devant la résidence du Premier ministre israélien Benjamin Netanyahou]. Il aurait compris la valeur de la vie humaine. Il aurait compris que dans le conflit en Irlande et en Afrique du Sud, on a libéré des prisonniers qui avaient du sang sur les mains pour donner un élan aux négociations. Certains des plus grands artisans de la paix dans ces deux pays revenaient de prison.

La réconciliation est un forfait. Les prisonniers et les membres de la société israélienne et palestinienne, toutes classes confondues, devaient s’asseoir à la table des négociations et prendre part à la construction d’un avenir pacifique. Nous devons trouver un moyen pour parvenir à la réconciliation. Faisons en sorte que la famille Shalit puisse vivre dans la dignité, la grâce et le réconfort. Il faut espérer que les prisonniers palestiniens, qui retrouvent leur famille,vivront un avenir non violent et pacifique.

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* Robi Damelin est membre du Cercle des Parents – Forum des Familles, une communauté d’Israéliens et de Palestiniens qui ont perdu un proche dans le conflit et qui ensemble promeuvent un processus de réconciliation

© Common Ground -
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