La chronique de Véronick Talbot/Collaboration étudiante

Combattre le suicide

par Véronick Talbot, collaboratrice, engagée dans le cadre de nombreux projets d'étudiants de Tolerance.ca

Récemment, je suis allée voir le film Tout est parfait du réalisateur Yves-Christian Fournier et du scénariste Guillaume Vigneault, qui m’a énormément bousculée. Les auteurs y traitent du suicide, thématique pénible…et malheureusement trop vraie. Tout est parfait aborde l’histoire d’un adolescent de 17 ans, qui se lève un matin en apprenant la mort tragique de ses quatre meilleurs amis qui ont mis fin à leurs jours au terme d’un pacte de suicide.

En 1999, le film Virgin Suicides de Sofia Coppola, dans lequel quatre sœurs s’enlèvent la vie, m’avait tout autant laissée de glace. Je n’avais alors que douze ans, et j’étais peu consciente du fait que le suicide est un geste posé quotidiennement au Québec. Aujourd’hui, je sais que c’est le cas et que de plus en plus de spécialistes se penchent sur les effets d’Internet sur le suicide puisqu’il représente une plate-forme incontestable pour rallier des jeunes et des moins jeunes dans ce qu’on appelle des suicides collectifs.

Difficile de savoir à quel moment exactement la notion du suicide est entrée dans la vie de l’homme. Toutefois, j’ai eu à lire un roman il y a quelques années, Les souffrances du jeune Werther, de Goethe, dans lequel le personnage principal s’enlève la vie par amour pour une femme, Charlotte, qui est éprise d’un autre homme. Lors de sa parution en 1774, en Allemagne, trop de lecteurs s’étaient reconnus dans les deux personnages, et une vague de suicides comme il ne s’en était jamais connu a aussitôt déferlé dans le pays. Plus de trois siècles plus tard, le Québec perdait, pour des raisons semblables, André Fortin, l’un de ses jeunes auteurs-compositeurs les plus talentueux et membre fondateur du groupe pop Les Colocs. Si l’amour est aveugle, c’est incroyable à quel point la raison, parfois, ne veut malheureusement rien entendre.

Kurt Cobain

Bon nombre d’Américains se sont aussi reconnus en Kurt Cobain. Lorsque l’artiste s’est enlevé la vie en 1994, il a involontairement entraîné dans la mort des milliers de jeunes qui l’ont imité. Peut-être que les médias ont commis une grave erreur en diffusant la lettre d’adieu du jeune chanteur dans une quantité incroyable de revues et journaux, alors qu’ils auraient dû se concentrer sur le non-sens du geste plutôt que sur les explications fournies par l’artiste dans sa lettre.

Au Québec, hormis le geste désespéré de « Dédé » Fortin, la mort de l’animateur vedette de télévision, Gaétan Girouard, en 1999, avait aussi secoué beaucoup de citoyens. Néanmoins, depuis 25 ans, la prévention du suicide est au centre de bon nombre de discussions, et à l’ère d’Internet, elle permet de joindre un plus grand nombre de personnes. Sauf que cet outil a aussi ses effets pervers.

Même si, à l’origine, plusieurs ont vu dans Internet une occasion simple et efficace de sensibiliser les gens au suicide, d’autres, par contre, y ont vu une occasion de joindre des personnes qui, comme eux, souffraient et désiraient s’enlever la vie. C’est en octobre 2000 au Japon que le premier cas de « cybersuicide pacts » est survenu, alors qu’un jeune homme avait convaincu deux femmes de l’accompagner dans la mort par l’entremise du Web. Depuis, plusieurs recherches ont été menées sur le phénomène, et de nombreux cas de pactes de suicide sur Internet ont été découverts, notamment aux États-Unis, en Suisse, au Japon et au Canada.

Sur la scène internationale, les spécialistes ont réussi à identifier, en 2003, 34 suicides de la sorte. Bien qu’ils représentent moins de 2 % des causes de suicides dans le monde, il s’agit d’un phénomène qui inquiète de plus en plus de chercheurs, étant donné que les chiffres vont en augmentant depuis que des études sont menées sur le sujet (on relate 50 suicides reliés à ce phénomène en 2004, et 91 en 2005).

L’utilité d’Internet

Qu’à cela ne tienne, même si le Québec est parmi les pays de l’OCDE l’un des endroits où on enregistre le plus grand nombre de suicides annuellement, la situation va en s’améliorant. Internet est aujourd’hui l’un des médias les plus utilisés pour la recherche d’informations dans le monde, et les bénévoles qui s’affairent à prévenir des cas de suicides peuvent joindre un immense bassin de gens. Aussi, la tendance, qui est de moins en moins à l’individualisme, fait en sorte qu’un plus grand nombre de personnes est réceptive aux messages de sensibilisation lancés par les organisations telles que Tel-Jeunes et le Centre de prévention du suicide de Québec, qui, en plus d’être accessibles 24 heures sur 24, mettent sur pied des forums et rendent disponibles des documents d’information relativement au suicide. Finalement, la parution de plus en plus de dossiers et de films qui portent sur le sujet contribue à démystifier la notion du suicide, qui a longtemps été un sujet tabou.

Signalons à cet effet que, selon une étude menée par le Centre de recherche et d’intervention sur le suicide et l’euthanasie (CRISE) de l’Université du Québec à Montréal, le taux de suicide chez les hommes, ajusté par 100 000 habitants, est passé de 26,0 à 23,4 en 25 ans, alors que chez les femmes, il est passé de 8,5 à 6,4. Le suicide demeure néanmoins la deuxième cause de mortalité chez les personnes âgées entre 15 et 19 ans, et la première cause de décès chez les personnes âgées entre 20 et 34 ans. C’est pourquoi il ne faut en aucun cas abandonner le combat de sensibilisation.

Comment aider

Il faut savoir qu’un suicide réussi est fréquemment précédé par un processus suicidaire qui devient manifeste à travers les propos d’une personne ou par l’entremise de ses tentatives de suicide. On peut d’ailleurs lire dans le livre La Crise suicidaire, paru en 2000 et écrit par des membres de la Fédération française de psychiatrie, que « les enquêtes dites « d'autopsie psychologique » réalisées dans l'entourage de sujets suicidés nous montrent que 90 à 95 % des sujets décédés par suicide présentaient un trouble psychiatrique ». La meilleure façon de déceler les risques qu’un acte de suicide peut survenir est donc d’être très attentif aux personnes qui éprouvent des problèmes ou qui semblent dans le besoin. Le suicide peut être dû à des difficultés psychologiques, notamment à une grave dépression. Les autres cas, par exemple les suicides qui ont pour cause le déshonneur, sont plus rares dans les cultures occidentales. Dans le cas où un sujet tue d’autres personnes avant de s’enlever la vie, on parle plutôt de suicide étendu ou élargi. Ces situations sont par contre plus difficiles à prévoir.

À titre informatif, j’ai noté des facteurs de protection qui permettent de contrebalancer certains effets négatifs des facteurs de risque associés au suicide. Notons d’abord qu’il est important pour une personne de bien gérer son stress ou de consulter un professionnel de la santé, si cela s’avère nécessaire. Il faut aussi s’assurer de se confier à un réseau social disponible et attentif. Il faut bien entendu être disposé à recevoir de l’aide.

À ce sujet, la reconnaissance d’un problème est déjà un pas vers la solution, mais celle-ci ne s’atteint pas en solitaire. Il ne faut pas non plus hésiter à croire en soi, à se concentrer sur ses accomplissements positifs et sur ce que les gens apprécient en nous. Les jeunes peuvent notamment compter sur le personnel enseignant de leur école pour leur venir en aide. Il est aussi essentiel que les jeunes perçoivent l’école comme un lieu d’investissement, car avoir un but dans la vie est une source de force et de besoin d’accomplissement indescriptibles.

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Pour de l’aide, vous pouvez joindre au Québec l’organisme Tel-Jeunes en tout temps en composant le 1-800-263-2266, ou le Centre de prévention du suicide de Québec dont le numéro de téléphone est : 1-866-APPELLE ( 1-866-277-3553 ).

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