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Les chrétiens d’Irak, premières victimes des assassinats et des enlèvements

par
président, Middle East Pact (MEP)
J’ai pu me rendre compte de la situation difficile de mon peuple Assyro-Chaldéen-Syriaque dans ses terres ancestrales, en particulier dans les grandes villes telles que Bagdad, Kirkuk et Mossoul. Ils sont les premières victimes des assassinats et des enlèvements. Les femmes sont obligées à porter le voile sous peine d’être soit exécutées soit converties ou encore mariées de force.

Entretien avec Agnès Ide, présidente de l'Institut Assyro-Chaldéen-Syriaque, basé à Paris, réalisé par Masri Feki pour Tolerance.ca ®.
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Tolerance.ca ® : Agnès Ide, fille d'exilés chaldéens originaires de Turquie, plus précisément de la région d’Hakkari, vous arrivez en France en 1983. Vous êtes présidente de l'Institut Assyro-Chaldéen-Syriaque et auteure de plusieurs articles sur les chrétiens du Moyen-Orient. En quelques mots, qui sont les assyro-chaldéens-syriaques ?

C’est un peuple qui appartient au groupe défini linguistiquement comme sémitique qui, dès 2350 A.C., période des débuts du royaume d’Akkad, avec des Sargonides, succède aux Sumériens dont il prolonge la civilisation. Les Akkadiens répandent l’usage de l’écriture cunéiforme : support de toute la culture écrite du Moyen-Orient jusqu’à l’apparition de l’alphabet araméen. En 539 A.C, ils seront vaincus par les Perses Achéménides (Cyrus) et perdront leur autonomie politique. La langue araméenne va survivre pendant la période hellénistique et séleucide sous la forme du syriaque et sera exporté comme langue à caractère religieux jusqu’en Asie centrale et même aux confins de la Chine. Elle subsiste à notre époque sous la forme de dialectes intimement apparentés dont les deux principaux sont le syriaque occidental et le syriaque oriental dit le chaldéen. Ils restent très proches de l’araméen classique.

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L’attachement de ce peuple au christianisme a fortement influencé son sort politique et culturel. Dès les débuts de la chrétienté, il s’est distingué au sein de l'Église Orientale et s’est séparé dès le 5ème siècle du rameau strictement orthodoxe de cette Église et cela sous le gouvernement des Baseleus byzantins dont il eut d’ailleurs à souffrir de persécutions. Le nombre d’Assyro-Chaldéen-Syriaques vivant dans le monde s’élève à plus de 15 millions d’individus dont la moitié est considérée comme étant en partie ou totalement assimilée aux sociétés dans lesquelles ils ont immigré. La dispersion dans les quatre coins du globe de cette population, durant ces 150 dernières années, a été provoquée par le génocide, les massacres et les persécutions ininterrompues qu’elle a subis par leurs différents protagonistes de l’époque.

Écoutez l'entrevue :







Tolerance.ca ® : Et quels sont les objectifs de votre association ?

Créée en 2004, à Paris, l’Institut Assyro-Chaldéen-Syriaque (I.A.C.S.) a eu pour objectifs de réunir les Assyro-Chaldéen-Syriaques et leurs amis autour d’activités culturelles et amicales. D’abord, nous organisons des soirées culturelles. Nous avons déjà invité des chanteurs Assyro-Chaldéen-Syriaques de Suède, de France, d’Iran.

Nous réalisons également des conférences à thèmes. Ces deux dernières années, nous nous sommes concentrés sur la reconnaissance du Génocide de 1915 perpétré par l’Empire Ottoman afin qu’il soit reconnu sur les mêmes termes que celui des Arméniens. Nous avons également rédigé un rapport relatant l’histoire de notre peuple durant cette période sombre que nous avons transmis au Parlement français et européen. D’ailleurs, nous participons chaque année à une manifestation à Bruxelles organisée par l’ensemble des associations Assyro-Chaldéen-Syriaques d’Europe. Depuis la fin officielle de la guerre en Irak, nous préparons des conférences exposant la situation de notre peuple sur ses terres maternelles. Nous faisons en sorte que ses conférences soient toujours animées par un spécialiste de l’Irak et une personne de terrain qui travaille par exemple pour une ONG. Nous les avons aussi accompagnées d’une exposition-photo.

Enfin, ce sur quoi nous nous investissons le plus est un travail de lobbying. En effet, nous essayons, ces dernières années de développer des contacts avec les institutions politiques françaises et européennes afin qu’elles fassent pression sur les pays où notre peuple rencontre des difficultés, en particulier en Turquie et en Irak.

Tolerance.ca ® : Vous rentrez du Kurdistan irakien où vit une importante communauté assyrienne, que pouvez-vous nous dire sur la situation des chrétiens d’Irak après la chute du régime de Saddam Hussein ?

Je me suis rendu pour la première fois en Irak entre les mois de juin et de juillet 2006. J’ai pu traverser les villes de Kirkuk, Bagdad, Mossoul, Erbil et Suleymaniye [ces deux dernières étant situées dans le Kurdistan irakien]. J’ai pu me rendre compte de la situation difficile de mon peuple Assyro-Chaldéen-Syriaque dans ses terres ancestrales, en particulier dans les grandes villes telles que Bagdad, Kirkuk et Mossoul. Du fait de leur religion chrétienne, les Assyro-Chaldéen-Syriaques sont assimilées aux Américains. Ils sont alors les premières victimes des assassinats et des enlèvements. Les femmes sont obligées à porter le voile sous peine d’être soit exécutées soit converties ou encore mariées de force. Les hommes ne peuvent plus travailler soit par peur des attentats soit parce qu’ils sont forcés de payer la jizia [capitulation imposée aux dhimmis, aux non-musulmans, à l’époque califale] soit tout simplement parce qu’on ne les laisse plus travailler. Les groupes terroristes qui contribuent à cette terreur veulent instaurer un Etat islamique en Irak avec pour capitale Mossoul, en supprimant toute sa composante chrétienne. Ils cherchent ainsi à anéantir la mosaïque culturo-religieuse de l’Irak. D’ailleurs, à Mossoul, les familles restent cloîtrées chez elles dans l’espoir que la situation s’améliore, le cas contraire qu’ils arrivent un jour à fuir définitivement le pays ou fuir vers le Kurdistan.

Tolerance.ca ® : Vous parlez sans doute de la Région autonome du Kurdistan irakien où la situation est bien meilleure.

Le Kurdistan irakien représente en effet le seul endroit en Irak où l’on peut vivre en sécurité. Avec les assassinats ciblés, les Assyro-Chaldéen-Syriaques qui n’ont ni les moyens de quitter définitivement le pays ni la volonté de le faire, décident de retourner dans leurs villages du nord de l’Irak, c’est-à-dire dans le Kurdistan irakien. En outre, Sarkis Aghajan, d’origine Assyro-Chaldéen-Syriaque et ministre de l’Economie et des Finances du Kurdistan irakien, a beaucoup œuvré pour que notre peuple ne quitte pas totalement leur pays. Il a construit des maisons pour les réfugiés Assyro-Chaldéen-Syriaques dans les villages du Nord, il a restauré des Eglises très anciennes en ruines ou détruites, il a créée l’une des chaînes de télévision les plus importantes de notre peuple « Ishtar TV », il verse une allocation aux réfugiés pour qu’ils puissent subvenir à leur besoins quotidiens. Aujourd’hui, il est une des personnalités les plus respectées chez les Assyro-Chaldéen-Syriaques. Pour l’ensemble de son travail, il a reçu la médiale de l’ordre de Gregory Saint le Grand par le Pape Bénoit XVI.

Tolerance.ca ® : Quelle est votre position au sujet du fédéralisme en Irak ?

Nous tendons à croire que la meilleure solution est celle du le fédéralisme à condition qu’elle vienne d’une volonté nationale. La question qui se pose est alors de savoir dans quelle mesure les Assyro-Chaldéen-Syriaques pourraient bénéficier d’une autogestion dans la plaine de Ninive, là où ils sont majoritaires. Le nombre d’Assyro-Chaldéen-syriaques tournait autour de 800.000 avant l’intervention anglo-américaine en Irak en mars 2003. Cependant avec ses attaques ciblées, 250.000 ont déjà quitté le pays. Mossoul qui comptait il y a cinq ans 300.000 chrétiens, n’en compte plus que 30.000 aujourd’hui, selon les ONG sur place.


* Agnès Ide (3ème à gauche) en compagnie d’une famille chrétienne à Bagdad, en juin 2006.




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