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Françoise David, militante infatigable

par
Collaboratrice de Tolerance.ca®
Photo : FFQ
Françoise David a été à l’origine de nombreuses luttes sociales au Québec. Présidente remarquée pendant sept ans de la Fédération des femmes du Québec (FFQ), elle a reçu plusieurs prix et de nombreux témoignages de reconnaissance pour ses nombreuses actions. Frédérique David l’a rencontrée.

On connaît Françoise David pour l’avoir vue à la tête des Marches des femmes de 1995 et 2000. Militante infatigable, elle a été à l’origine de nombreuses luttes sociales au Québec. Fidèle à ses convictions, elle n’a pas hésité à claquer la porte du Sommet socioéconomique de 1996, organisé par le gouvernement péquiste, où les directions syndicales avaient donné leur aval à la politique du déficit zéro. Présidente remarquée pendant sept ans de la Fédération des femmes du Québec (FFQ), Françoise David a reçu plusieurs prix et de nombreux témoignages de reconnaissance pour ses nombreuses actions. Elle vient à nouveau de faire parler d’elle en se lançant dans une nouvelle lutte au sein du collectif D’abord solidaires, qu’elle vient de former.

Organisatrice communautaire de formation, Françoise David a trouvé sa voie lorsqu’elle a découvert l’action populaire. « Je travaillais au Centre des Services sociaux de Montréal, de 1972 à 1987. J’avais toutes sortes d’avantages mais j’ai quitté parce que je m’ennuyais à mourir, reconnaît-elle aujourd’hui. Choisir le communautaire a été très facile, cela a été une bouffée d’air frais dans ma vie. C’est merveilleux de travailler tout le temps avec du monde passionné ! »

C’est avec la même ferveur que Françoise David est arrivée à la présidence de la Fédération des femmes du Québec, en 1994.

Hormis les deux Marches des femmes, dont elle était l’instigatrice au Québec, et qui ont été abondamment médiatisées, Françoise David peut se targuer d’avoir réussi à redorer l’image de la FFQ qui avait perdu quelques plumes.

« En 1992, la Fédération avait perdu beaucoup de membres et les femmes ressentaient de moins en moins un sentiment d’appartenance à l’organisation. Quand j’ai quitté, en juin 2001, on avait quasiment triplé le nombre de membres associatifs, et le nombre de membres individuels était passé de cent à huit cents, sans même qu’on fasse une grande campagne d’adhésion. Quand on sait que toutes ces associations-membres rejoignent elles-mêmes des centaines et des milliers de femmes, cela veut dire que désormais notre fédération parlait au nom de très nombreuses femmes. »


La tolérance ?

« Ce qui caractérise la culture québécoise, c’est un certain art de vivre ensemble, avec et malgré nos différences. » - Françoise David

Photo Steve Leroux
Ce n’est peut-être pas unique au Québec, je n’ai pas fait le tour de la question, mais il y a certainement, au Québec, une idée d’intégration des personnes provenant de minorités ethniques.

Je pense qu’au Québec, on est différent du reste du Canada, qui va plus parler en termes de multiculturalisme, comme si chaque culture devait être encouragée à coexister avec d’autres cultures. Au Québec, on a pris le pari à la fois du respect des cultures et à la fois de l’intégration à une culture commune québécoise, qui n’est pas que francophone et qui n’est pas que la culture des gens venus de France. La culture québécoise doit s’enrichir des gens venus d’ailleurs.

La culture québécoise, pour moi, est faite des racines profondes d’une majorité francophone et de tout l’apport d’autres cultures. Ce qui caractérise la culture québécoise, c’est un certain art de vivre ensemble, avec et malgré nos différences.

Je n’aime pas tellement cette idée de la tolérance, parce que dans « tolérance » il y a « tolérer » et je n’ai pas envie qu’on tolère des gens différents. J’ai envie qu’on travaille ensemble. Le défi, c’est de ne pas gommer les différences.

Françoise David est fière d’avoir réussi à diversifier le nombre des adhérentes.

« Le nombre de femmes de moins de trente ans avait augmenté, comme celui des femmes issues des minorités culturelles. Le nombre de femmes provenant des régions avait aussi grimpé, en fait des femmes de toutes sortes de milieux joignaient nos rangs. C’est donc devenu un mouvement plus représentatif de la diversité québécoise. »

À une époque où l’égalité entre les hommes et les femmes est quasiment acquise, Françoise David a rapidement orienté les actions de la FFQ vers une lutte contre la pauvreté.

« Les femmes de carrière peuvent vivre des problèmes importants, de violence par exemple, mais elles auront certainement plus de moyens que celles vivant dans la pauvreté, qui se demandent vers où elles vont se tourner si elles doivent quitter leur conjoint », explique-t-elle.

À la fin des années 1990, Françoise David avait passé dix-huit mois à combattre une réforme de l’aide sociale du gouvernement péquiste.


« Le néo-libéralisme et le patriarcat :
deux idéologies qui se nourrissent mutuellement »

En 2000, la Marche mondiale des femmes a permis de faire la jonction entre la lutte pour l’égalité des sexes et le combat contre la pauvreté.

« La Marche nous a permis de constater que, au fond, le néo-libéralisme et le patriarcat sont deux idéologies qui se nourrissent mutuellement . Dans la cas de la mondialisation, les femmes sont plus perdantes que les hommes. C’est particulièrement évident dans les pays en voie de développement. »

Selon Françoise David, le patriarcat n’aurait pas disparu, il serait présent partout, dans les pays du nord comme dans les pays du sud, à des niveaux et à des degrés différents.

« C’est sûr que le Québec n’est pas l’Afghanistan en terme de droit des femmes. Mais, on ne peut pas penser non plus que personne au Québec ne partage des idées patriarcales. Je pense que la Marche de l’an 2000 nous a permis de faire une bonne synthèse entre une lutte pour la justice sociale et le combat pour l’égalité entre les hommes et les femmes. »

Malgré une lutte extrêmement médiatisée et une participation record à cette Marche de l’an 2000, à laquelle près de quarante mille femmes ont participé au Québec, la Fédération des femmes du Québec a dû essuyer un refus catégorique des gouvernements fédéral et provincial lorsqu’il a fallu donner suite aux revendications des femmes.

« Je n’ai toujours pas compris pourquoi cela s’est terminé ainsi, dans un refus de leur part de négocier, de discuter, de donner quoi que ce soit. Pour moi, cela a été un moment très difficile. Naïvement peut-être, j’espérais qu’on soit un petit peu plus ouvert à entendre la voix des femmes. »

Depuis le déroulement de cette Marche, les femmes ont pourtant eu gain de cause puisque le gouvernement du Parti québécois avait répondu à la majeure partie des demandes des femmes.

« Le gouvernement Landry a adopté certaines politiques intéressantes, reconnaît-elle. La réforme de la loi des normes du travail a été une bonne chose. La politique de l’eau, le moratoire sur l’industrie porcine, la loi qui donne des droits aux conjoints de même sexe, y compris des droits parentaux, me ravissent. Mais cela aurait été plus approprié de les adopter un an plus tôt, on aurait terminé cette Marche dans la bonne humeur. Cela aurait pu se terminer de façon moins dramatique », regrette-t-elle.

Bien qu’elle admette être sortie épuisée de ces luttes, Françoise David dit n’avoir jamais songé à abandonner.

« Au contraire. Cela m’a galvanisée et m’a fait dire qu’il faut continuer, qu’il faut se battre encore et toujours. Mais, au-delà du temps que cela demande, ce qui est très dur dans ce travail-là, c’est le stress. On est tout le temps sur la sellette. La Marche mondiale des femmes m’a demandé un effort considérable. Chaque fois que quelque chose se passait concernant les femmes ou les pauvres, on m’appelait pour que je me prononce. Quand je suis sorti de la FFQ, épuisée, je n’étais pas seulement en manque de sommeil et de temps, j’étais en manque de tranquillité. »

Malgré le travail colossal que ces luttes ont pu représenter, Françoise David a toujours préservé du temps pour sa famille.

«  J’ai un conjoint et un fils de 23 ans, qui séjourne en Amérique latine, et qui n’a jamais été mis de côté à cause de mes occupations militantes. Ce qui a le plus souffert, surtout à l’approche de la Marche des femmes, c’est le temps avec les amis. »

Du temps, Françoise David s’en accorde donc davantage aujourd’hui, même si la nouvelle lutte qu’elle mène risque de l’accaparer considérablement. Officiellement lancé en janvier 2003, D’Abord solidaires a pris naissance à la suite de plusieurs constatations, en commençant par les victoires de l’Action démocratique du Québec, aux élections partielles de juin 2002.


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La Chronique de Frédérique David
par Frédérique David

D’origine française, Frédérique David réside depuis plus de quinze ans au Québec et travaille comme journaliste indépendante pour plusieurs publications.

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