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Christopher Skeete : « Mes multiples appartenances m’ont inculqué une plus grande sensibilité aux réalités des uns et des autres»

(French version only)
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Ph.D., Université de Montréal, Editor, Tolerance.ca®

Fils d’une Québécoise francophone de souche et d’un Québécois originaire de Trinidad, le député Christopher Skeete de la Coalition Avenir Québec (CAQ) incarne parfaitement la diversité de la société québécoise. De langue maternelle française, Skeete a suivi ses études dans des établissements anglophones, d’abord au collège Vanier et ensuite à l’Université Concordia où il a obtenu sa licence en sciences politiques. Élu lors des élections québécoises de 2018, avec une confortable majorité, dans la circonscription de Sainte-Rose qui compte une population majoritairement francophone, Skeete s’est vu confier la tâche par le gouvernement Legault d'être à l'écoute des  anglophones du Québec et de répondre à leurs besoins, compte tenu de leur faible représentation au sein de la députation gouvernementale.

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C’est à ce titre que Christopher Skeete occupe le poste d’adjoint parlementaire du premier ministre pour les relations avec les Québécois d’expression anglaise, fonction d’autant plus sensible que l’orientation nationaliste de la CAQ n’est pas sans créer des tensions avec les anglophones du Québec.

Qu’a-t-il appris, dans l’exercice de ses fonctions, sur les anglophones québécois ? Quels arguments emploie-t-il pour leur expliquer l’appui que les francophones du Québec ont apporté à la Loi 21 sur la laïcité du gouvernement Legault? Ce sont là quelques-unes des questions que nous avons posées à monsieur Skeete.  Entretien avec un homme politique d'exception. 

Tolerance.ca : Monsieur Skeete, vous représentez par votre parcours la nouvelle réalité que constitue aujourd’hui la diversité. Votre mère, comme celle de Barack Obama, était blanche et votre père était originaire de Trinidad. Vous vous intéressez d’ailleurs de près à vos racines africaines dont vous êtes fier. De plus, si votre langue maternelle est le français et que vous vous considérez francophone, vous vous sentez parfaitement à l’aise dans les milieux anglophones. Vous avez d’ailleurs poursuivi vos études scolaires et postsecondaires dans des établissements de langue anglaise.

Dans quelle mesure votre appartenance aux deux communautés – blanche et noire -, - francophone et anglophone – vous aide-t-elle dans votre fonction d’adjoint parlementaire du premier ministre pour les relations avec les Québécois d’expression anglaise ?

 

 

 

Christopher Skeete : Cette double appartenance me permet de comprendre avec plus de facilité la grande diversité de points de vue qui marquent notre vie collective. Elle me permet de comprendre les craintes et espoirs des communautés d’expression française et anglaise au Québec. Dans ce contexte, il ne fait aucun doute que mon parcours facilite ma tâche en tant qu’adjoint parlementaire du premier ministre pour les relations avec les Québécois d’expression anglaise. La prise en compte des besoins et des attentes de cette communauté ne peut se faire sans comprendre les réalités de la communauté d’expression française. Le Québec d’aujourd’hui s’est forgé grâce à l’interaction de ces deux communautés au cours de plusieurs siècles.

Tolerance.ca :    Votre appartenance aux deux communautés suscite-t-elle aussi des tiraillements ?

Christopher Skeete : Plus jeune, j’ai ressenti des tiraillements. Cette double appartenance peut être une source de tensions internes, surtout si on se place dans un contexte socio-politique qui tend à privilégier la mise d’étiquettes simples sur les individus et les groupes. On a parfois du mal à accepter et à gérer la complexité lorsqu’il nous manque une certaine maturité et une certaine expérience de vie. À l’âge adulte, j’ai compris que ces multiples appartenances m’ont inculqué une plus grande sensibilité aux réalités des uns et des autres. Cette double appartenance me rassure et inspire mon engagement politique. Elle explique une de mes convictions les plus profondes : nous sommes tous des Québécois.

Tolerance.ca : Lors de vos nombreuses consultations auprès de la communauté québécoise de langue anglaise de la région de Montréal, qu’avez-vous appris que la population en général connaît très peu sur cette communauté ?

Christopher Skeete : Certains préjugés et stéréotypes ont la vie longue, comme celle du riche anglophone de Westmount qui roule dans une auto de luxe. La réalité des Québécois d’expression anglaise ne correspond pas à cette image…Par exemple, la communauté connaît un taux de chômage plus élevé que celle des Québécois d’expression française. De plus, les personnes les plus scolarisées de la communauté ont tendance à quitter le Québec, créant un véritable exode des cerveaux qui ne sert pas le Québec.

Ce qui m’a le plus frappé, lors de nos consultations, c’est le désir de viser une pleine intégration dans la société québécoise. Pour bien des Québécois d’expression anglaise, il y a du travail qui reste à faire pour qu’ils ressentent qu’ils forment une partie importante et appréciée de la société québécoise. Il nous incombe de répondre à cette volonté maintes fois exprimée lors de ma tournée. Il faut que les Québécois d’expression anglaise ressentent que l’État québécois leur appartient aussi.

Tolerance.ca : Vous avez aussi effectué plusieurs consultations auprès des Québécois de langue anglaise qui sont établis depuis des générations en région, comme en Gaspésie, en Mauricie ou en Estrie. Quels sont les besoins de ces communautés auxquels le gouvernement doit répondre ?

Christopher Skeete : Les communautés d’expression anglaise qui sont établies en région doivent composer avec une population qui prend de l’âge et a un accès plus difficile aux services sociaux et de santé dans leur langue. De manière générale, il existe une demande pour des cours de francisation, car le développement des capacités linguistiques est essentiel pour le marché du travail ainsi que pour les relations avec les services publics.

Tolerance.ca : Quels sont les arguments que vous mettez de l’avant auprès des anglophones pour expliquer les raisons qui ont incité la majorité francophone du Québec à soutenir la Loi 21 sur la laïcité du gouvernement Legault ?

Christopher Skeete : Je leur explique que la Loi 21 est l’aboutissement d’un long processus historique qui a commencé avec la Révolution tranquille. Durant les années 60, le Québec a décidé de confier la gestion du système d’éducation et du système de santé à des employés qui n’appartenaient pas à des ordres religieux. Jusqu’à cette époque, l’Église catholique était directement impliquée dans des secteurs d’activité qui relevaient de la compétence de l’État. Durant les années 90, on a transformé les commissions scolaires en les départageant sur le plan linguistique et non confessionnel.

Depuis des décennies, un consensus s’est établi au Québec en ce qui concerne l’État et ses rapports avec les religions. Chacun est libre d’avoir ses propres convictions religieuses mais il appartient à l’État de demeurer neutre par rapport à toutes les religions. La liberté de la croyance de chacun doit passer par la neutralité exemplaire de l’État.

Pour moi, la meilleure analogie pour la Loi 21 se trouve avec la prohibition du port de signes politiques/partisans par les membres de la fonction publique. Cette prohibition ne date pas d’hier et nul ne soutiendrait que cette mesure implique un déni de la démocratie. Les employés de l’État doivent donner l’apparence d’une neutralité politique, une neutralité qui est garante de notre confiance en leur action au service des citoyens.

Nous ne remettons pas en question les croyances des uns ou des autres, mais nous exigeons que certains fonctionnaires en position d’autorité et exerçant le pouvoir contraignant de l’État n’exhibent pas leur appartenance religieuse durant leurs heures de travail. Cette apparence de neutralité est essentielle dans une société marquée par une diversité de croyances qui ne peuvent bénéficier davantages associés à une quelconque sanction des services publics.

Tolerance.ca : Comme vous le savez, les médias de langue anglaise affirment régulièrement que le Loi 21 est discriminatoire. Quels moyens pourrait-on envisager pour corriger cette perception?

Christopher Skeete : C’est un travail de longue haleine. On doit entreprendre un travail de pédagogie qui se prolongera dans le temps. Nous faisons face à un véritable défi en la matière. Plusieurs critiques ne connaissent même pas l’énoncé de la Loi 21, sans oublier leur méconnaissance évidente de l’histoire du Québec contemporain.

Au-delà des médias, je suis rassuré par les courriels que je reçois de citoyens des quatre coins du Canada. Ils témoignent d’une compréhension à l’égard de notre action, ce qui démontre que le discours monolithique entretenu par les médias d’expression anglaise ne correspond pas à la réalité sur le terrain. En bref, il est permis d’espérer.

Propos recueillis par Victor Teboul pour Tolerance.ca

15 novembre 2019



* Lors de sa nomination dans sa circonscription en mars 2018, en compagnie de François Legault.

** Christopher sur les genoux de sa maman, Nicole Ouellette.

***
Dans le bureau de sa circonscription en compagne des responsables de l'organisme Enfance Lyme Québec, madame Audrey Munger et monsieur Georges Kassatly.dans le câdre du mois de la maladie de Lyme.
 



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Victor Teboul is a writer and the publisher of Tolerance.ca ®, The Tolerance Webzine, which he founded in 2002 to promote a critical discourse on tolerance and diversity. He is the author of several books and numerous articles.

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