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La Loi sur la laïcité de l’État et les porte-parole religieux autoproclamés

(French version only)
By
Economist-researcher at Partnership for Economic Policy, Université Laval, Québec, Canada

Depuis l’adoption de la Loi québécoise sur la laïcité de l’État (loi 21), certains activistes religieux se sont autoproclamés porte-parole d’une « communauté musulmane » prétendument unanime contre cette loi. Ils affirment aussi que le voile serait une obligation religieuse. Or, le Coran n’ordonne nulle part aux femmes de couvrir leurs cheveux, leur visage ou leur corps dans son entier.

Comme toutes les traditions, l’islam n’offre pas une lecture unique. Les musulmans, comme les autres croyants, entretiennent des rapports diversifiés avec la religion et avec la laïcité. Beaucoup aspirent d’abord à être des citoyens à part entière, non à se dissoudre dans une communauté religieuse homogène.

Le voile, entre histoire et symboles

Le voile précède l’islam. Dans le Code d’Hammourabi (XVIIe siècle av. J.-C.), il distinguait les femmes libres des esclaves. Dans l’Antiquité grecque et romaine, comme dans certaines traditions juives et chrétiennes, il marquait une hiérarchie sociale ou une supposée infériorité spirituelle des femmes. Jusqu’au milieu du XXe siècle, les femmes occidentales se couvraient encore la tête pour entrer à l’église.

Aujourd’hui, là où il est imposé (Iran, Arabie saoudite), les femmes cherchent à s’en libérer; là où il est interdit, certaines revendiquent le droit de le porter. Mais toutes celles qui le portent ne véhiculent pas une idéologie islamiste, pas plus que tous les théologiens qui y voient une obligation ne sont extrémistes. Beaucoup sont simplement prisonniers d’interprétations figées au VIIe et VIIIe siècles.

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Une question d’interprétation du Coran

Le Coran est considéré comme la parole divine intemporelle. Mais ses interprétations sont humaines et liées à leur époque. Les sacraliser revient à figer le texte et à le rendre inadapté au présent. Comme le rappelait Averroès, il faut sans cesse relire et réinterpréter le Coran à la lumière des évolutions.

Les mots souvent invoqués pour justifier l’obligation du voile n’ont pas le sens qu’on leur prête :

  • HIJAB signifie « rideau », non voile féminin (33:53).
  • KHIMAR (24:31) invite à couvrir la poitrine, non les cheveux.
  • JALALIB (33:59) peut se comprendre comme une invitation au dévoilement pour être reconnue et protégée, non comme un ordre de dissimulation.

De plus, aucune sanction n’est prévue pour celles qui ne se voilent pas, preuve que ce n’est pas une obligation religieuse.

Le voile et la loi 21

Même en admettant une lecture traditionaliste, le voile ne serait qu’une mesure de protection contextuelle, pas une injonction divine. Dans l’esprit du Coran, les musulmanes québécoises ne devraient pas se sentir coupables de se dévoiler pour préserver leur emploi. Le Coran rappelle d’ailleurs : « Dieu n’impose à aucune âme une charge supérieure à sa capacité » (2:286).

La liberté individuelle demeure fondamentale : une femme peut choisir de porter le voile si telle est son interprétation et son désir, pourvu que cela ne porte atteinte à personne. Mais nul ne devrait affirmer que le Coran impose de manière explicite, sans équivoque et en tout temps et en tout lieu l’obligation pour les femmes de se voiler.

Au-delà du voile

Le voile occupe une place marginale dans le Coran. L’essentiel est ailleurs : la foi, la justice, la compassion, la générosité. L’habit ne fait ni le moine, ni l’imam.

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La loi 21 reflète surtout l’histoire québécoise : la longue lutte contre l’emprise de l’Église catholique, puis la Révolution tranquille. Cette mémoire explique la méfiance envers les signes religieux et la popularité de la loi. Les musulmans du Québec ne peuvent l’ignorer. Leur avenir passe par la pleine intégration : réussite scolaire, participation économique, appropriation de la culture québécoise et défense de principes universels.

Au lieu de se cantonner à une posture victimaire, il faut mettre en avant le message du premier verset révélé au Prophète : « Lis… ». La quête du savoir, l’ouverture et la contribution citoyenne constituent les véritables voies d’intégration et de force collective.

5 septembre 2025



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Sami Bibi is an Economist-researcher at Partnership for Economic Policy ( www.pep-net.org) based at Université Laval, Quebec City, Quebec, Canada. 

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