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Les Juifs et le Prince : Minorité juive et pouvoir politique au Maroc

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Le Maroc est le pays arabe qui a conservé la plus forte communauté juive. Historiquement, les juifs sont arrivés dans ce pays il y a plus de 2000 ans. Ils avaient converti des tribus berbères à leur religion. Les Romains leur avaient accordé un statut de nation distincte. Mais l'adoption du christianisme comme religion de l'empire s'est accompagnée de leur persécution. 

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Depuis, leurs rapports au pouvoir n'ont cessé de fluctuer au gré de la situation politique du pays.

Le Maroc pré-moderne

À la fin du VIIIe siècle, Idriss Ier, fondateur de la dynastie des Idrissides, a tenté de les convertir par la force. Comme Marrakech, la capitale des Almoravides, leur était interdite, ils vivaient à ses portes, dans la Vallée de l'Ourika. Sous les Almohades (1130-1269), ils ont connu des périodes de persécution. Sous les Mérinides (1269-1465), leur situation s'est améliorée. Ils étaient ambassadeurs, ministres ou savants à la Cour. Ainsi, Khalifa Ibn Roqasa était vizir et intendant du palais auprès de Moulay Abou Youssef Yacoub. Le rétablissement du statut de dhimmi n'a pas empêché l'amélioration de leur sort au cours du XVIe. Ainsi, le sultan Abou Saïd a nommé en 1310 de nombreux ambassadeurs et vizir juifs. En 1350, Abou Innan a choisi Khalifa Ibn Haroun comme chambellan et de nombreux médecins et savants israélites à la Cour. Le dernier sultan Mérinide, Abdelhak, avait un conseiller juif, Haroun Ibn Battach al Wizir.

En 1492, c'est vers Fès qu'affluèrent les 30.000 réfugiés juifs d'Espagne qui gagnèrent le Maghreb. Le sultan mérinide Cheikh assura leur subsistance. Survenait ensuite la vague de 1497.
Sous les Beni Ouattas (1515-1535), l'ordre imposé était bénéfique aux juifs. Ainsi, les convertis parmi eux sont autorisés à abjurer leur nouvelle foi. Plusieurs ministres israélites sont nommés, dont Jacob Rosalès signataire d'un traité de paix avec le Portugal, et Jacob Ruti, négociateur avec François Ier de France. Mais du fait d'interdits religieux, certaines professions leur étaient réservées, dont le travail et la vente de l'or et de l'argent, la frappe de la monnaie, le prêt d'argent et la fabrication du vin et de l'alcool.

Les exactions, sous le Saâdien Moulay Mohamed, contre les juifs n'ont pas empêché les sultans saâdiens (1509-1659) de renforcer le pouvoir des grandes familles juives. En 1549, l'Israélite Samuel Cabeza conseillait Cherif. En 1551, Samuel Pellas était l'envoyé marocain en Hollande pour signer un traité de commerce. Son frère, Joseph, était ambassadeur de la Cour en Grande-Bretagne, et son fils, David, en France auprès de Louis XIII. Sous Moulay Ahmed Al-Masour, la communauté connaissait une vie convenable.

En 1664, le fondateur de la dynastie Alaouite, Moulay Rachid, était bien accueilli par les juifs de Fès. D'où l'amélioration de la situation de cette communauté. Ils avaient alors occupé des postes importants et, dans quelques familles, des charges allaient devenir héréditaires.
Sous Moulay Ismaël, le frère de My Rachid, cette communauté a prospéré. Joseph Maymaran, conseiller de son défunt frère, est devenu son Premier ministre. Après la suppression de ce dernier, son frère Abraham est devenu conseiller du sultan. Aaron Carsinet était également le conseiller et banquier du sultan. Le sultan a choisi comme confident Daniel Tolédano et nommé ses deux fils comme ambassadeurs en Grande-Bretagne et aux Pays-Bas. Son ministre des Affaires étrangères, Moïse ben Attar, a signé un traité avec les Anglais. En 1760, Buzaglo de Paz est désigné comme ministre plénipotentiaire. En 1770, le sultan a choisi Samuel Sunbal comme conseiller. Il a désigné Jacob ben Ider comme ambassadeur à Londres, et choisi son fils comme son représentant au Danemark. Benamore était l'envoyé spécial près la République de Gênes. Mardoché Delmas était chargé par les nations d'Europe du rachat des esclaves chrétiens, et Isaac Cardez Numès a contribué, avec Abraham Pinto, à la signature d'un traité avec les États-Unis.
Moulay Mohamed ben Abdellah était sympathique aux juifs. Mais son fils et successeur les a persécutés en raison de leur refus de financer sa révolte. Son successeur, Moulay Sliman, créateur des mellahs de Tétouan, Rabat, Salé et Mogador, les a rétabli dans leurs droits. De 1835 à 1839, ils ont bénéficié d'une liberté totale. Le rétablissement, sous My Abderrahmane (1822-1859), de la dhimmitude, ne les a pas empêchés d'occuper une position privilégiée dans le commerce avec l'étranger. En 1863, la démarche de Sir Moses Montefiore auprès d'Hassan Ier (1859-1873) pour améliorer leur sort a abouti au dahir du 5 février 1864 qui les a reconnus légalement comme égaux avec les musulmans.

Les juifs étaient favorables à la colonisation française car elle leur a permis d'avoir un statut d'égalité et d'autonomie juridique et religieuse et d'occuper des positions dans les secteurs d'affaires et d'administration publique. Les écoles de l'Alliance israélite universelle ont contribué depuis 1862 à former une élite juive occidentalisée.

Le Maroc contemporain

Durant la seconde guerre mondiale, cette communauté a souffert des lois de Vichy qui cherchait à en déporter les membres en Europe. Heureusement, Mohamed V a refusé courageusement de valider cette mesure coloniale inique. Plusieurs juifs ont milité pour l'indépendance.

Sous Mohamed V, les juifs avaient les mêmes droits que leurs concitoyens musulmans et plusieurs d'entre eux ont accédé à de hautes positions gouvernementales. Sous la pression des nationalistes, ce roi a dissout les fédérations sionistes, interdit l'émigration des ressortissants juifs, fermé les bureaux de la Kadimah (camp de transfert vers Israël) et rompu les relations postales avec l'État hébreu. Mais son successeur, Hassan II, dont la mère nourricière était une juive, a autorisé les juifs marocains à émigrer.

Le premier Marocain désigné par Mohamed V comme ministre des PTT était un juif, le docteur Benzaquen. Aux élections législatives de 1963, l'heureux royaliste FDIC Meyer Obadia, commerçant et président de la communauté juive de Casablanca, s'est présenté à Casablanca contre le progressiste UNFP Meyer Toledano, un avocat juif et rapporteur général du budget au conseil municipal de Casablanca.

Les deux tentatives de coup d'état (1971 et 1972) ont secoué la communauté juive, inquiète à l'époque de l'éventuelle disparition de la monarchie. Une inquiétude nourrie par l'arrestation pour corruption de ses principales figures: David Amar, Henri O'Hanna et Bernard Lévy.. Le député FDIC et richissime homme d'affaires Amar, proche d'Hassan II, était président de la communauté juive de Casablanca. Plus tard, il dirigera l'Omnium Nord-Africain et sera secrétaire général du Congrès des communautés juives au Maroc. Son arrestation en compagnie de ministres musulmans visait à garder intacte l'image d'une monarchie victime d'un entourage corrompu.

Plusieurs Israélites ont continué à participer à la vie politique. Ainsi, le richissime homme d'affaires Joe O'Hanna, jadis sympathisant de gauche, a adhéré à la conservatrice UC dont il était député et important bailleur de fonds. Il était président de la commission des affaires étrangères et questeur du Parlement. Il était également vice-président de la chambre de commerce de Casablanca. Aucun des quatre candidats juifs aux législatives de 1993 n'a pu briguer le siège du disparu O'Hanna.

Si André Azoulay était conseiller économique d'Hassan II, d'autres juifs ont choisi la voie républicaine. Ainsi, Abraham Serfaty, un ingénieur et ancien directeur de l'école Mohammadia des ingénieurs, a participé à la fondation d'Ilal Amam. À cause de ses positions révolutionnaires, cette figure emblématique de l'extrême gauche a été condamnée à la prison à vie. De son côté, Sion Assidon, co-fondateur de la maoïste «Servant le peuple», a connu lui aussi les affres de la prison. Sous la pression internationale, ils seront libérés avec d'autres opposants au début des années 1990. Une fois de retour dans son pays au début du règne de Mohamed VI, Serfaty sera désigné comme conseiller royal. Tout comme Azoulay.

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L'établissement des juifs au Maroc remonte à plus de 2000 ans. Leur rapport au pouvoir a fluctué au gré de la situation politique du pays.


* Le roi Hassan ll et Shimon Peres en 1994. Image : http://dafina.net/forums/read.php?52,85110




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