L'immigration constituant un élément primordial de notre société, il serait essentiel de regarder de plus près toute politique d'immigration et d'y apporter des changements qui reflètent les nouvelles réalités. Un tel débat doit se pencher sur les attitudes et les politiques qui empêchent une véritable intégration des nouveaux arrivants.
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Devrions-nous changer de politique d'immigration ? Telle est la question qui semble préoccuper de plus en plus d'analystes ou de politiciens. Avant d'y répondre ne faudrait-il pas prendre un peu de recul et examiner la réalité du Canada ?
Depuis des siècles, le Canada n'a pas cessé d'être un pays construit par des vagues successives d'immigration: actuellement un Canadien sur 6 est né à l'étranger. Selon Statistique Canada, ce chiffre passerait à un Canadien sur 4 en 2030.
Chaque année, le Canada ouvre ses portes à environ 250,000 nouveaux immigrants et accorde 175,000 permis de travail à des travailleurs temporaires.
Mais il faudrait convenir que d'un autre côté, le Canada tout comme les autres pays de l'OCDE est un pays où la société devient vieillissante. Au cours de la période allant de 2001 à 2006, la cohorte des 65 ans et plus a connu une hausse de 11,5 %, tandis que la cohorte des enfants de moins de 15 ans a connu une baisse de 2,5 % et cette tendance devrait se maintenir pendant les trois prochaines décennies (1). C'est notamment pour faire face à ce défi combiné à un faible taux de fécondité que le Canada, tout comme tous les pays développés d'ailleurs, fait appel à l'immigration pour accroître sa population.
Grâce à l'immigration, le Canada continue d'afficher le plus haut taux de croissance démographique parmi les pays du G8. Tandis que le nombre de Canadiens a augmenté de 5,4 % dans les cinq années qui ont précédé le recensement de 2006, le taux de croissance était de 3,1 % en Italie et en France, de 1,9 % au Royaume-Uni et de près de zéro au Japon et en Allemagne (2).
Mais les avantages de l'immigration ne s'arrêtent pas au niveau des chiffres et de la croissance de la population, il y a des avantages concrets sur le plan économique. En effet, le Conference Board du Canada, un organisme indépendant qui étudie plusieurs questions économiques, estime en 2010 qu'une hausse de 1 % du nombre d'immigrants correspond à une augmentation de 0,21 % des importations et de 0,11 % des exportations (3). Ce même organisme estime que la présence de nouveaux arrivants accroît le montant des investissements directs étrangers à destination du pays.
Ainsi, si on adhère à cette perspective, on viendrait à songer à augmenter le nombre d'immigrants.
Mais telle n'est pas l'avis des responsables d'un nouveau centre d'études qui vient tout juste de voir le jour à Ottawa, "The Center for Immigration Policy Reform". Ses responsables soutiennent l'idée que les politiciens sont souvent intéressés par l'attrait des nombres de votes que représentent les immigrants et que le système d'immigration doit être reformulé. Car selon eux, notre système d'immigration ne permet pas d'accepter un si grand nombre de personnes, et l'immigration sature le marché de travail et fait augmenter notre taux de chômage.
Ne sommes-nous pas ici en face de deux points de vues contradictoires. Alors lequel, doit-on choisir ?
Selon nous, il faut bien admettre que notre société vit un grand malaise à la fois identitaire et économique et que plusieurs questions, considérées dans un passé tout récent comme "impolies", sont devenues de nos jours plutôt pertinentes et intelligentes.
Vu que l'immigration constitue un élément primordial de notre société, il serait essentiel de regarder de plus près toute politique d'immigration et d'y apporter des modifications et des changements qui reflètent les nouvelles réalités. Toutefois, le débat ne doit pas être fait derrière des portes closes à l'approche des fièvres électoralistes ou à la hâte à la suite d'événements médiatisés comme l'arrivée de bateau de refugiés tamouls en Colombie Britannique. Un tel débat doit prendre en considération que jusque-là les politiques d'intégration n'ont pas été un succès, que la discrimination au travail envers les immigrés est une réalité incontestable et que les diplômes et l’expérience acquis à l’étranger ne sont pas toujours reconnus au Canada.
Il serait erroné de tomber dans l'alarmisme facile et de blâmer les immigrants de tous les maux de la société. Il serait également malheureux d'introduire des projets de loi comme celui que le gouvernement vient de déposer: le projet C-49 - Loi visant à empêcher les passeurs d’utiliser abusivement le système d’immigration canadien. Car malgré les apparences, la plupart des dispositions du projet de loi visent les réfugiés et non pas les passeurs qui appartiennent le plus souvent à des groupes de crimes organisés et qui exploitent à la fois les refugiés et le système canadien.
Oui à la reforme, oui à un débat honnête, mais non au simplisme et aux clichés dangereux qui divisent la société, la rend renfermée et incitent la population à s’élever contre les immigrés ou les plus défavorisés.
Notes
1. Rapport publié par Infrastructure Canada 2008.
2. Ibid.
3. Conference Board du Canada 2010.
Le 1er novembre 2010