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Tout le monde en parle, Garou et la complaisance

(French version only)
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Ph.D., Université de Montréal, Editor, Tolerance.ca®
J’ai parfois l’impression que Tout le monde en parle devrait changer de nom pour s’appeler Tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil. Avez-vous regardé l’émission du dimanche 21 février 2010 ? Gageons qu’un étudiant de niveau collégial aurait pu poser des questions plus songées au philosophe Charles Taylor que celles de Guy A. Lepage.

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N’eût été de Pauline Marois, chef du Parti québécois et de l’Opposition officielle à l’Assemblée nationale du Québec, personne sur le plateau de Tout le monde en parle n’aurait mis les pendules à l’heure face à la position plutôt accommodante de monsieur Taylor en ce qui touche la question de l’intégration des immigrants.

Il a été rafraîchissant d’assister à un mini-débat entre madame Marois et le philosophe, chose plutôt inusitée dans cette émission. Il était temps que l’on dise haut et fort que le Québec a des valeurs et qu’il tient à ce que les nouveaux arrivants les adoptent. Purement et simplement. On s’est battu au Québec pour que les droits fondamentaux aient force de loi et ces droits sont non négociables. Point à la ligne.

Toutefois, madame Marois n’est pas prête à ce que l’on ôte le crucifix de l’enceinte de l’Assemblée nationale du Québec. Cela fait partie de nos traditions, clame-t-elle aussi fort. Voilà donc une contradiction que les deux principaux partis politiques québécois ne sont pas encore en mesure de surmonter.

Il faut savoir gré ici à Guy A. Lepage et à son invité, Normand d’Amour, d’avoir bien réagi en demandant à madame Marois en quoi cela constituait une caractéristique «identitaire», comme disent les sociologues, du Québec des années 2000.

J’ai été déçu cependant que l’on n’ait pas abordé le contenu du livre de monsieur Charles Taylor, Laïcité et liberté de conscience (Boréal, 2010).

Puisqu’on nous annonce que le 4 avril prochain Tout le monde en parle sera enregistré dans les studios de On n’est pas couché (tiens, tiens, nous suggérions dans notre chronique de février 2009 qu’ils s’inspirent de cette émission), peut-être que les animateurs et leurs recherchistes apprendront-ils aussi qu’il n’est pas interdit de lire les livres de leurs invités et que, outre de montrer la couverture des livres aux téléspectateurs, on peut aussi parler et discuter des idées qu’ils contiennent. Car on finit par avoir cette désagréable impression qu’une émission de talk show québécoise ne peut tout simplement pas être en même temps divertissante et instructive. Car, au Québec, nous préférons ghettoïser les livres en les cantonnant dans ces émissions «sérieuses» de littérature où seuls les critiques patentés et les savants professeurs ont droit de parole.

On n’a qu’à regarder justement On n’est pas couché pour se rendre compte qu’il est possible de parler de livres et de se divertir grâce aux débats d’idées qui nous stimulent. Mais cela n’est possible que dans la mesure où les animateurs savent en discuter et en débattre, et pas seulement en posant des questions.

Un autre aspect qui m’a très peu surpris, c’est la manière dont on a donné la parole à ce pauvre Garou, qui a été malmené à On n’est pas couché -décidément cette émission devient la référence à Tout le monde en parle – et que nous avons relevé à Tolerance.ca – Garou malmené à On est pas couché.

 Agacé que Éric Zemmour lui ait dit que son album Gentleman Cambrioleur l’ait fait souffrir en lui gâchant ses souvenirs des vieilles chansons qu’il a aimées (cette séquence de On n’est pas couché a été rediffusée hier à l’émission), Garou de commenter «C’est ce qu’on appelle de l’humour». Ce qu’il s’est gardé de dire aux Français…

«Sommes-nous trop complaisants ?» a-t-on demandé à Garou, qui a répondu évidemment par la négative.

C’est que finalement, au Québec, nos artistes, comme nos écrivains avec lesquels d’ailleurs on ne discute jamais à la télévision, ont l’habitude de se faire caresser dans le sens du poil et rarement de recevoir des critiques, du moins pas à la télé, où on se contente de faire leur promo.

Aussi, pourrait-on demander aux recherchistes, animateurs et responsables de Tout le monde en parle :

- D’ajouter plus de livres à l’émission, de les lire et d’en discuter avec leurs auteurs dans le cadre de l’émission.

- D'embaucher des journalistes, tel un Éric Zemmour, qui peuvent discuter et même contredire les invités.

- De dépasser le cadre limité des petits copains et petites copines du monde du spectacle.

- De ne pas faire uniquement de la promo.

- De ne pas se limiter à lire des fiches en posant des questions aux invités.

- De s’interroger sur la partie de l’émission où l’on sert du vin. Pourquoi ai-je cette impression que tout un auditoire est exclu d’un party privé et qu’il est relégué à observer des gens qui s’amusent entre eux ? Exception faite des émissions culinaires, en connaissez-vous des émissions où l’auditoire observe ce que les animateurs sont en train de déguster ?

L’émission Tout le monde en parle, animée par Guy A. Lepage, est diffusée le dimanche soir, à 20 heures, à la télévision de Radio-Canada.

Site de l’émission :

http://www.radio-canada.ca/emissions/tout_le_monde_en_parle/saison6/

 


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By Victor Teboul

Victor Teboul is a writer and the publisher of Tolerance.ca ®, The Tolerance Webzine, which he founded in 2002 to promote a critical discourse on tolerance and diversity. He is the author of several books and numerous articles.

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