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L’anthropologue canadienne Homa Hoodfar retrouve la liberté

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Collaborateur, membre de Tolerance.ca®

Les binationaux ne semblent pas être en odeur de sainteté en Iran. Le régime islamiste des mollahs mène la vie dure à plusieurs d'entre eux. Souvent, quand ils sont des intellectuels installés en Occident et qui sont en visite ou de retour dans leur pays d'origine, on les accuse d'être des espions à la solde de puissances occidentales hostiles à la République islamique. Homa Hoodfar a fait l'expérience de cette obsession des mollahs pour des théories du complot.

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La réputation du régime islamiste des mollahs iraniens en termes de violation des droits humains n’est plus à faire. Différentes organisations de défense de ces droits et libertés l’ont documenté dans des rapports annuels ou thématiques. Ce régime autoritaire ne s’attaque pas seulement à ces ressortissants, mais également aux binationaux d’entre eux. Plusieurs d’entre eux croupissent dans une des nombreuses prisons pour des motifs politiques ou ont déjà vécu cette expérience carcérale destinée à les briser et à les soumettre. Une citoyenne canadienne a fait cette expérience traumatisante et a réussi à en sortir; une chance que n’avait pas eue la photojournaliste Zahra Kazimi, morte sous la torture en 2003 et dont le corps n’a jamais été rapatrié depuis en raison du refus des autorités iraniennes.

Homa Hoodfar, enfin libre!

Homa Hoodfar est une anthropologue canadienne d’origine iranienne. Elle a aussi la nationalité irlandaise. Elle est âgée de 65 ans. C’est une retraitée de l’Université Concordia à Montréal. Ses recherches portent en particulier sur la situation des femmes musulmanes.

Au début du mois de février, elle a rendu visite à des membres de sa famille en Iran, l’occasion aussi pour elle de faire des recherches dans les archives de la Bibliothèque du parlement. Elle a été arrêtée une première fois en mois de mars et on lui a interdit de quitter le pays. Son ordinateur personnel et son passeport ont été confisqués. Elle a été arrêtée une seconde fois le 6 juin. Cette fois, elle a été emprisonnée à Evin, une sinistre prison où sont incarcérés nombre de prisonniers politiques ou de conscience et où la torture est routinière.

Ni la Canadienne ni son avocat n’ont su le chef d’accusation qui lui a valu sa détention. Mais, d’après sa famille, Téhéran l’a accusé de propagande contre l’Iran et de collaborer avec des États hostiles à son régime (La Presse canadienne). Ses recherches féministes ne plaisent visiblement pas au pouvoir des mollahs.

Comme la détenue canadienne est de santé très fragile, sa famille, ses amis et ses anciens collègues s’inquiétaient beaucoup pour elle. Elle souffre de la myasthénie grave, une maladie neurologique dégénérative. Elle était confinée dans une cellule d’isolement. Son accès à son avocat, à sa famille ou à un médecin était très limité. Ses conditions de détention ont fait détériorer son état de santé. C’est ce qui explique son hospitalisation en juillet.

Alertée par cette situation critique, sa famille a redoublé d’effort pour obtenir sa libération. Amnistie internationale s’est mobilisée à ses côtés. Tout comme ses anciens collègues de Concordia qui ont lancé une pétition appelant à sa libération rapide. Plus de 5000 universitaires à travers le monde ont signé la pétition. Les réseaux sociaux ont eux aussi été de la partie. Plusieurs pages favorables sur Facebook et Twitter (@FreeHomaHoodfar, #HomaHoodfar, #FreeHoma) ont été créées à cet effet.

Cette campagne internationale a permis d’accentuer la pression sur le régime théocratique pour qu’il libère Homa Hoodfar. Ce faisant, cette universitaire est sortie de l’anonymat de la chercheuse universitaire pour devenir un symbole international pour tous ceux qui luttent contre les pratiques liberticides de cette dictature qui ne peut ignorer le risque que celui puisse lui nuire dans l'opinion publique occidentale et ruiner un peu plus ses efforts incessants visant à lui ''vendre'' ses prétentions d’ouverture et de réformes politiques.

Même si le Canada avait rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran en 2012, cela n’a pas empêché le gouvernement fédéral libéral de s’impliquer activement dans les efforts diplomatiques visant la libération de Homa Hoodfar. D’ailleurs, c’est le premier ministre Justin Trudeau en personne qui, dans un communiqué publié ce lundi 26 septembre sur son site web, a confirmé la nouvelle de sa libération; une information révélée initialement par l’agence iranienne Fars News.

Ce communiqué nous apprend que le gouvernement ''aux plus hauts niveaux'' (sans la moindre précision) avait pris part ''de façon active et constructive'' et ''depuis le début'' aux tractations diplomatiques qui ont finalement abouti à la libération de Homa Hoodfar. Faute d'ambassade à Téhéran, le Canada a œuvré en collaboration avec ''d’autres pays, notamment l’Oman, l’Italie et la Suisse,'' des États qui, de l’aveu d’Ottawa, ''ont joué un rôle déterminant'' dans la conclusion heureuse de cette affaire. Le communiqué reconnaît aussi le rôle de ''la coopération de représentants des autorités iraniennes'' dans sa ''libération et son rapatriement.'' De l’avis du premier ministre, la partie iranienne comprenait que continuer à détenir quelqu’un comme Mme Hoodfar nuirait à ''l’établissement de relations'' entre les deux pays. Même message transmis par le ministre canadien des affaires étrangères Stéphane Dion à son homologue iranien Zarif, lors de leur première rencontre, le 20 septembre, en marge de l’Assemblée générale des Nations unies à New York.

Pour avoir l’air magnanime, Téhéran, à travers le porte-parole de son ministère des affaires étrangères, Bahram Qasemi, a déclaré que son geste était pour ''des raisons humanitaires, notamment sa maladie.''

Sur instruction de son Sultan Ibn Saïd, Oman a affrété un avion pour aller la chercher à Téhéran. Sur son chemin du retour au Canada, son avion a atterri dans un aéroport du Sultanat arabe. L’occasion d’être accueillie, entre autres, par sa nièce Amanda Ghahremani et l’ambassadeur canadien Dennis Horak.

***

Le calvaire de Homa Hoodfar a donc duré plusieurs mois. Si on ne peut que se réjouir que cela soit terminé pour elle, la question de la raison de son arrestation demeure entière. Comme elle n’était pas une opposante politique, pourquoi le régime autocratique des mollahs s’était-il acharné contre elle? Que cherchait-il à obtenir du Canada en échange de sa libération? Le faire chanter pour obtenir de lui des faveurs? La question se pose parce que cette dictature a déjà eu recours au chantage avec d'autres pays quand ce n'était pas le terrorisme pour obtenir d’eux des faveurs politiques, diplomatiques ou économiques.

26 septembre 2016



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