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Omar Seddique Mateen et le crime haineux d’Orlando

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Presque chaque jour, les États-Unis comptent de nouvelles victimes des armes à feu. Cette année, 5800 personnes ont déjà été tuées. Malgré la récurrence de cela, une majorité de membres du Congrès continue de refuser de voter en faveur de toute législation réglementant de manière stricte l’achat des armes. Avec l’actuelle campagne électorale pour élire le prochain président de la République, il serait étonnant de leur part d’agir autrement. La NRA, le principal lobby des armes, veille au grain.

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Les États-Unis se sont réveillés, le dimanche 12 juin, en état de choc. Ils ont appris, stupéfaits, une terrible nouvelle. Vers 2 heures du matin, une fusillade a éclaté dans Pulse, une boîte de nuit homosexuelle à Orlando, en Floride. Elle a fait 49 morts et 53 blessés. Quatre heures après le début de la fusillade, l’unité d’intervention tactique de la police (SWAT) a confirmé la mort de l’assaillant.

Tuer des homosexuels à l’ombre de l’État islamique

Le tireur est un citoyen américain d’origine afghane. Omar Mir Seddique Mateen est né dans le Queens à New York en 1986. Au moment des faits, il vivait à Port St Lucie, une ville située à quelques 200 kilomètres au sud d’Orlando. Il a fait ses études de droit à l’université d’État Indian River à Fort Pierce en Floride.

Comme M. Mateen travaillait depuis 2007 à la G4S comme agent de sécurité en Floride, il avait un permis de port d’arme. La G4S est une importante compagnie britannique de services de sécurité. Elle fournit ses services à des aéroports et des ports dans 110 pays, dont les États-Unis.

M. Mateen s’est marié une première fois en avril 2009 avec Sitora Yusufiy, une femme d’origine ouzbèke qui l’a quitté en août de la même année, mais qui a dû attendre jusqu’au 21 juin 2011 pour pouvoir divorcer de lui. Le 29 septembre 2011, M. Mateen s’est remarié. Sa nouvelle épouse, Noor Zahi Salman, est née en Californie de parents d’origine palestinienne. Elle est âgée de 30 ans. Un garçon est né de leur union. Il est aujourd’hui âgé de 3 ans. Avant de se marier avec ces deux femmes, M. Mateen avait fait connaissance avec elles sur Internet.

Le témoignage fait à CNN et Time (15 juin) par Mme Yusufiy permet d’apprendre un peu plus sur son ex-époux. Selon elle, M. Mateen était un homme instable et violent, qui la battait régulièrement. Des raisons qui l’avaient amené à se séparer de lui avant que leur divorce ne soit prononcé. Elle n’exclut pas qu’il était un homosexuel refoulé. Ce que conteste vigoureusement le propre père du tireur d’Orlando. Pour appuyer sa version des faits, Mir Seddique a relaté à la chaîne nationale américaine NBC une anecdote selon laquelle il était récemment devenu furieux à la vue dans un Mall de deux homosexuels s’embrasser devant sa femme et son jeune fils. Jasbinder Chahal, une voisine du quartier où habitait la jeune Salman a, pour sa part, parlé d’un Omar Mateen qui allait jusqu’à contrôler les visites de cette dernière de sa propre famille.

Muni d’un fusil d'assaut, un AR-15, et d’une arme de poing, l’homme de 29 ans est donc entré dans la boîte de nuit gay Pulse. Il a ouvert le feu sur les gens qui s'y trouvaient. Le FBI n’exclut pas la possibilité que sa seconde épouse soit au courant de ce que préparait le gardien de sécurité. Mais, les autorités sont réticentes pour le moment à la poursuivre en se fondant sur cette seule base (Associated Press, 15 juin).

Le crime haineux d’Omar Mateen a donc coûté la vie à 49 homosexuels, sans oublier les 53 blessés, soit la pire tuerie de masse depuis le 11 septembre 2001 à se produire sur le sol américain. Cette fusillade a suscité l'émoi aux États-Unis et à l'étranger. Les drapeaux de plusieurs pays, dont le Canada, ont été mis en berne. Le Québec l'a fait aussi; tout comme plusieurs municipalités québécoises. Des Américains musulmans ont rompu le jeûne dans le stationnement en face du Pulse en signe de solidarité avec les familles des victimes. Plusieurs vigiles et services ont été tenus à plusieurs endroits, y compris au Maroc, pour exprimer la solidarité avec les familles des victimes. Le président Obama et son vice-président Joe Biden se sont rendus, quelques jours plus tard, à Orlando pour rencontrer en privé ces familles et essayer de les réconforter.

Le lendemain du massacre, le FBI a ouvert une enquête pour "terrorisme". Et pour cause!

Omar Mateen était déjà connu de la police fédérale américaine. Selon Ronald Hopper, un des responsables du FBI, les autorités l’avaient interrogé à deux reprises. La première fois, en 2013, en raison de propos tenus sur les lieux de son travail et qui laissaient penser à d’éventuels liens avec des terroristes. La seconde fois, en 2014, à cause de ses liens avec Moner Mohammad Abusalha, le premier kamikaze américain à se tuer pour le compte du groupe combattant Jabhate Al-Nusra. Cela s'est passé en 2014 à Ariha en Syrie. Il avait 22 ans. Les deux hommes vivaient à Fort Pierce et fréquentaient la même mosquée. Mais, comme les deux instructions du FBI n’ont pas été concluantes, le dossier de M. Mateen a été clos. Avec un casier judiciaire demeuré vierge, il a pu acheter des armes quelques jours avant la fusillade.

Du Pulse où il se trouvait, M. Mateen a appelé le "911", le numéro d’urgence de la police. À la lecture des extraits du témoignage rendu publique, le 20 juin, par le FBI, on apprend que l’Américain de 29 ans a revendiqué la tuerie et déclaré son allégeance à Abu Bakr Al-Baghdadi, le calife autoproclamé de l’État islamique (EI) dont il s’est dit un soldat. Lors des négociations avec la police d’Orlando, le tireur  a expliqué que s’il était là, c’est pour que les États-Unis arrêtent de bombarder la Syrie et l’Irak.

Quelques heures seulement après la fin de l’opération policière, Aamaq, un compte Twitter lié à l’EI, s’est empressé de revendiquer la responsabilité de la tuerie. Un empressement qui trahit la mauvaise fortune des dernières semaines d’un groupe combattant qui a perdu du terrain en Syrie, en Irak et en Libye face à une coalition internationale déterminée à en finir avec lui.

La déclaration de foi de M. Mateen et la revendication de l’EI n’ont nullement convaincu John Brennan, directeur de la CIA, de l’existence du moindre lien entre les deux.

Au niveau politique, le président Barack Obama a qualifié la tuerie d’Orlando d'"acte de terreur et de haine" visant un "lieu de solidarité" pour la communauté LGBT, et le FBI a parlé d’un "acte de terrorisme intérieur". De son côté, la candidate présumée du Parti démocrate, Hillary Clinton, a dénoncé un "acte tragique". Le candidat républicain présumé Donald Trump a, pour sa part, eu une réaction des plus étranges. Il a, dans un tweet, remercié les gens qui le "félicitent d'avoir eu raison sur le terrorisme islamique radical". Et d’avertir: "Mais je ne veux pas de félicitation, je veux de la vigilance et de la sévérité. Il nous faut être intelligents!" Les jours suivants ont apporté leur lot de dérapages en termes de rhétorique islamophobe. Mais, sans surprendre quiconque qui s'intéresse de près à la campagne de ce personnage controversé au narcissisme démesuré.

***

Le drame d’Orlando vient s’ajouter aux 172 fusillades de cette année. Il rappelle plusieurs incohérences de la législation américaine sur la vente des armes aux États-Unis. Des incohérences qui permettent par exemple à une personne d’acheter des armes d’assaut même si son nom figure sur la liste d’interdiction de vol à bord d’un avion. Avec une majorité de membres du Congrès opposée à tout contrôle strict de la vente des armes au pays, on devrait, à l’avenir, entendre parler encore et encore de nouvelles fusillades. La voix de la NRA semble encore plus audible au sein du Congrès que les cris, les pleurs et la douleur de parents éplorés pour la perte d’êtres chers.

25 juin 2016



** Rassemblement solidaire à Orlando avec les familles des victimes de la fusillade du Pulse. Crédit de l'image: le compte Twitter de la police de cette ville de Floride.


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