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Esther Benbassa : « Minorités visibles en politique »

(French version only)

A l’heure où les débats sur la mondialisation occupent une place plus significative sur la scène publique,  un constat s’impose : le monde est devenu un village planétaire. Par conséquent, les villes deviennent des espaces qui regorgent des  paysages humains diversifiés où de nombreux groupes ethniques et culturels partagent le même environnement.

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Dans un tel contexte, un rapprochement de ces cultures distinctes est-il possible ? Quelles sont les stratégies à mettre en place pour parvenir à assurer des relations harmonieuses entre ces peuples ? Dans quelle mesure est-il possible de favoriser un dialogue respectueux des différences ?  La coexistence pacifique est-elle une utopie ou un idéal atteignable ?  Voilà, entre autres, les questions qui rejaillissent fréquemment dans les sociétés contemporaines.            Le moins que l’on puisse dire est que  des réflexions sur la thématique de la diversité culturelle intéressent la recherche à différents points de vue. En effet, plusieurs spécialistes, tous domaines confondus, identifient tel ou tel autre aspect pouvant servir de fil conducteur pour renforcer leurs analyses.

Par exemple, la chercheuse Esther Benbassa, qui est également Sénatrice, aborde le sujet de la diversité sous l’angle politique. Elle a coordonné un livre intitulé « Minorités visibles en politiques ».  Les contributions qui composent cette œuvre scrutent la « machine politique » française pour examiner de fond en comble les réalités des minorités visibles. Qu’en est-il exactement de la participation de cette tranche de la population à la vie politique ?

Des  groupes ethniques mis sur la sellette

Tout d’abord, il faut dire que l’expression « minorités visibles », qui est en vogue dans bien de milieux, est parfois perçue comme une désignation péjorative. En effet, beaucoup d’analystes y voient une manière de renforcer les désavantages structurels auxquels sont confrontées les personnes issues des minorités spécifiques.

Voici le descriptif que fait Esther Benbassa :

« Les minorités, visibles lorsqu’elles dérangent, deviennent invisibles quand il s’agit de représentation politique ou d’ascension sociale. Quelles sont donc ces « minorités » ? Le mot désigne en général les groupes numériquement faibles, que leur religion, leur origine ethnique et∕ou la couleur de leur peau distinguent de la population dite majoritaire. En France, ces dernières années, il s’applique de manière privilégiée aux Arabo-musulmans, aux Noirs et à tous ceux qu’on continue à percevoir comme des descendants d’immigrés, quelle que soit la génération en cause, et même lorsqu’elle est née en France. » Page 7, CNRS Editions.

En fait, la description mentionnée ci-dessous pourrait bien s’appliquer ailleurs qu’en France. Rappelons, pour illustrer notre propos, que de ce côté-ci de l’atlantique, au Canada, le sujet est aussi d’actualité.

En outre, il convient également de relever que lorsqu’on se réfère aux nombreux et variés contextes dans lesquels l’expression  « minorités visibles » est employée, on constate bien qu’elle laisse le champ libre à plusieurs interprétations différentes.

Au fond, comme le montre bien Esther Benbassa beaucoup de groupes sont stigmatisés et étiquetés : « Les femmes, moitié de l’humanité, considérée longtemps comme mineures, sont elles aussi encore souvent perçues comme des « minoritaires », même si elles pâtissent de relativement moins de discriminations (..) .» Page 7, CNRS Editions.

Tout compte fait, il est plus qu’indispensable de donner une place aux minorités, une vraie place, non pas celle « trompeuse » qui consiste à « colorer » les instances politiques pour le plaisir des yeux…

Le paradoxe de la visibilité des minorités visibles

Il ne faut pas perdre de vue que le débat sur la diversité  ne cesse de prendre de l’ampleur. D’où la nécessité de décortiquer les sujets sensibles, ceux susceptibles d’enfreindre les législations relatives aux droits humains.

Quoi qu’il en soit, plus que jamais, la diversité est au cœur de nos sociétés. Or cette diversité sous-entend aussi que des populations provenant d’horizons variés —  ayant chacune leurs  spécificités  — doivent, de gré ou de force, cohabiter. En d’autres mots, plusieurs cultures se côtoient et diverses manières de vivre s’appliquent selon le bagage culturel des uns et des autres. C’est là un point essentiel qui est, lui aussi, une préoccupation pour les spécialistes travaillant dans divers champs d’études.

L’autre aspect important à considérer est, bien sûr, la question relative aux rapports qu’entretiennent les populations entre elles. À ce propos, d’innombrables voix s’élèvent pour réclamer une meilleure prise en compte de la population minoritaire, et ce, dans  tous les aspects de la vie quotidienne. Si  la question de l’intégration professionnelle est souvent abordée, celle de la représentation dans les médias et en politique est également évoquée à maintes reprises. Car, tant et aussi longtemps que les minorités visibles demeureront sous-représentées, des contestations se feront entendre.

Ce livre expose la vision proposée par les intervenants pour résoudre le déséquilibre de la représentation des femmes dans l’appareil étatique français. Comment faut-il s’y prendre ?

« Améliorer la représentation politique des minorités visibles n’est pas facile. Il n’y a pas une méthode unique pour y parvenir. Les mesures que nous préconisons obéissent à un objectif : favoriser des opportunités qui n’existent pas suffisamment aujourd’hui. Mises en application, elles offriront des chances supplémentaires aux Français issus de la diversité d’entrer et de réussir en politique. De leur côté, ces derniers devront saisir ces opportunités et montrer leurs mérites politiques. Autrement dit, rien n’est possible sans une double volonté.»              

Page 117, CNRS Editions.

Eric Keslassy, l’un des contributeurs à cet ouvrage soulève une question de haute importance :

« Les minorités visibles ne demandent aucunement un traitement de faveur, elles souhaitent seulement être considérées comme les autres (…), Or, aujourd’hui, les minorités visibles doivent se battre plus que les autres pour gagner leur place dans la vie politique.»

Page 115, CNRS Editions.

Si ces observations se consacrent à l’accessibilité aux instances politiques, l’auteur ne s’est pas contenté uniquement de cela. Il a poussé sa réflexion plus loin, histoire de suivre le cheminement de celles et ceux qui parviennent à franchir les barrières pour intégrer l’arène politique française. C’est la raison pour laquelle il pointe du doigt des agissements déplorables :

« En outre, il règne une forme de jalousie parmi les représentants des minorités visibles, qui se destinent à une carrière politique. Une sorte de «  cannibalisme », selon Alima Boumediene – Thiery. Plutôt que de chercher à augmenter le nombre de place disponibles, ils se battent pour obtenir celles – trop rares – que veulent bien leur laisser les dirigeants des partis. Et ceux qui parviennent à obtenir une fonction politique intéressante donneraient trop souvent le sentiment de fermer la porte derrière eux. Dès lors, les minorités visibles ont du mal à se mobiliser collectivement pour faire valoir leurs droits.»

Page 115, CNRS Editions.

Bref, tant du côté des minorités que de celui des autorités françaises, changement des mentalités et des comportements est souhaitable.

En définitive, à différentes époques de l’histoire, les peuples apportèrent leurs contributions en témoignage de leur solidarité envers leurs semblables. Pour ne citer qu’un exemple, rappelons que pendant la Seconde Guerre mondiale, la France a fait appel aux combattants des colonies. Ces réalités historiques devraient résonner dans les mémoires de ceux qui s’offusquent de la présence des descendants de ces alliés d’autrefois sur le territoire français. Les ancêtres de ces «  indésirables » versèrent leur sang  pour défendre la souveraineté de la France.

Et ce n’est pas tout : sur le plan économique,  la main-d’œuvre immigrante est aussi « exploitée » :

« Dans une Europe vieillie, qui a importé massivement des immigrés pour continuer de faire tourner las machine économique, ces derniers et leurs descendants apparaissent désormais comme un danger. Leur présence fait craindre une invasion démographique, qui sonnerait le glas de la spécificité occidentale. »

Page 8, CNRS Editions.

Une chose est certaine,  la classe dirigeante française doit assumer les actes posés par leurs prédécesseurs. Ceux-ci ont fait appel aux immigrés quand ils furent menacés, c’est la raison pour laquelle il faut traiter ces gens avec respect, humanité  et  dignité.

Voici un ouvrage qui met en lumière des problématiques cruciales, lesquelles devraient être examinées en profondeur pour favoriser  des relations pacifiques entre les français de toutes origines.

À propos de l’auteure

Esther Benbassa, qui a dirigé cet ouvrage, est une femme politique et sénatrice française est née  à Istanbul le 27 mars 1950. Elle est l’auteure de plusieurs ouvrages.

Esther Benbassa : « Minorités visibles en politique », CNRS Éditions, octobre 2011, 368 p.

14 janvier 2012



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