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Présence remarquable de l’islam dans le roman «Le plongeur» de Stéphane Larue

par
Ph.D., Université de Montréal, Directeur, Tolerance.ca®

Tandis que le Québec se prépare à commémorer le triste anniversaire de la tuerie qui a eu lieu à la mosquée de la ville de Québec le 29 janvier 2017, je ne peux m’empêcher de penser au roman Le plongeur de Stéphane Larue, qui a été publié en 2016 et a reçu le Prix des libraires et le prix Senghor en 2017. Mais, quel est le rapport avec la tragédie survenue à Québec ?, me diriez-vous.

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Ce roman palpitant se déroule, comme on le sait, dans les arrière-cuisines d’un restaurant spécialisé dans les mets italiens, la Trattoria. La description minutieuse, mais jamais fastidieuse, de la préparation des repas, je l’avoue, m’a fait venir l’eau à la bouche – c’est une autre réussite de ce roman captivant qui a été couvert d’éloges, à juste titre, par la critique.

Mais si le chef cuisinier, qui a servi de modèle à un des personnages du roman, est assez connu, et qu’il a donc été interviewé subito presto en compagnie de l’auteur, lors d’une émission radiophonique, un aspect qui ne semble pas avoir retenu étrangement l’attention de la critique et des médias est la présence assez remarquable dans ce roman de l’islam.

À une époque où il est autant question de laïcité, du voile et des musulmans au Québec, j’ai été agréablement surpris que l’islam joue un rôle aussi significatif dans une œuvre de fiction primée et parue, je le rappelle, en 2016, donc un an avant la tragédie que l’on connaît.

Si le cadre de la restauration sert à décrire le rythme vertigineux mais efficace dans lequel travaillent aux heures de pointe le plongeur et ses collègues - serveurs et cuisiniers -, le thème central du roman touche un sujet d’actualité : l’addiction. Car le plongeur est accro aux loteries-vidéos. Et la toile de fond, qui peut parfois évoquer l’atmosphère régnant dans certains romans de Jacques Ferron, est le monde hivernal de la nuit.

Bien que le colocataire du narrateur soit un jeune Noir, que l’on connaîtra très peu, et que l’on croise, au cours du récit, des Haïtiens, un Indien, et qu’une  «lesbienne latino» soit même évoquée, c’est le rôle joué par un chauffeur de taxi musulman qui surprend dans ce milieu somme toute «pure laine». Mohammed, dont le prénom n’est certainement pas choisi au hasard par l’auteur, assurera une présence constante et réconfortante tout au long du récit. Il est même présent dès la première page du roman. Respectueux, serviable, généreux et doté de sentiments paternels, Mohammed exerce une fonction salvatrice; il «sauve» le plongeur du monde agité de la nuit et le conduit en lieu sûr, chez lui. D’ailleurs une odeur «fraîche et mentholée» flotte dans sa voiture et, sur le tableau de bord, est posé «un petit coran à la couverture enluminée».

La nuit, c’est fait pour dormir, conseillera-t-il souvent au narrateur, en bon père de famille.

Un autre personnage qui aide le plongeur à surmonter son addiction est son cousin Malik, au prénom évocateur puisqu’il signifie roi (ou maître) en arabe. On apprend que la mère de Malik, et donc la tante du narrateur, possède aussi un exemplaire du Coran, comme Mohammed. Ce sera Malik d’ailleurs qui apprendra au narrateur comment dire merci en arabe. Shokran, dira-t-il à Mohammed, lorsque ce dernier le déposera chez lui et lui recommandera une énième fois d’aller dormir.

Finalement, c’est la relation symbiotique que l’on peut entretenir avec nos concitoyens musulmans que ce roman magistral met en scène car, comment peut-on ne pas se laisser attendrir par un nouvel arrivant qui a adopté notre langue ?

«Mohammed, nous précise le plongeur, avait un accent du Maghreb et employait des expressions québécoises avec autant de naturel qu’un bonhomme de Joliette».

Stéphane Larue, Le Plongeur, Le Quartanier, 2016.

1ère mise en ligne le 21 janvier 2018   

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par Victor Teboul

Victor Teboul est écrivain et le directeur fondateur de Tolerance.ca ®, le magazine en ligne sur la Tolérance, fondé en 2002 afin de promouvoir un discours critique sur la tolérance et la diversité. 

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