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Le ministère de l’Immigration du Québec change de nom : un recul pour l’intégration ?

par
Ph.D., Université de Montréal, Directeur, Tolerance.ca®

À lire - le nouvel essai de Victor Teboul : Les Juifs du Québec. In Canada We Trust. Réflexion sur l'identité québécoise

Les nominations ministérielles du nouveau gouvernement libéral, annoncées le 23 avril dernier, reflètent un changement de ton évident avec l’ancien régime péquiste défait aux dernières élections. Mais le changement de ton représente aussi un virage radical en ce qui touche l’immigration et l’intégration à la société francophone québécoise.

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Car le ministère de l’Immigration et des Communautés culturelles, qui a toujours eu comme mandat l’intégration des immigrants à la société francophone, a changé de nom : il devient, sous la gouverne de Mme Kathleen Weil, le ministère de l’Immigration, de la Diversité et de l’Inclusion, incorporant ainsi deux concepts – diversité et inclusion – qu’affectionnent les milieux gagnés au multiculturalisme canadien.

Ce changement de cap du ministère de l’Immigration est passé quasi inaperçu dans les médias francophones, lesquels se sont surtout attachés à la sous-représentation des femmes dans le nouveau cabinet, sous-représentation, ont-ils découvert après de nombreux palabres, due au fait que les femmes étaient moins nombreuses à se présenter comme candidates à cette élection.

Le changement de cap du ministère de l’Immigration du Québec a en revanche été largement couvert par les journalistes anglophones qui se réjouissent de cette gifle administrée aux tenants de la Charte de la laïcité, proposée par l’ancien gouvernement du Parti québécois.

Ce virage, complètement ignoré également par les députés du Parti québécois lors de leurs  commentaires faits aux médias sur les nominations, alors qu’ils forment l’opposition officielle, peut avoir des conséquences désastreuses sur le message véhiculé par le gouvernement quant à  l’intégration à la majorité francophone du Québec.

Les propos que le premier ministre adressait à la nouvelle titulaire du poste, Mme Kathleen Weil, lors de l’assermentation des ministres, sont d’ailleurs révélateurs de la vocation que l’on souhaite donner à ce ministère.

Contrairement au silence des milieux francophones sur un sujet aussi essentiel pour l’avenir du Québec que représente l’immigration (et son corollaire, l’intégration), le chroniqueur Graeme Hamilton,  dans l'édition du 23 avril 2014 du quotidien torontois le National Post (1), rapportait, lui, en se régalant (on devine pourquoi), les souhaits que le premier ministre aurait adressés à madame Weil quant à la vocation de son ministère. 

Je me permets de traduire les propos de M. Couillard n’ayant trouvé nulle part la version française de sa déclaration, laquelle est introuvable même sur le site de l’Assemblée nationale du Québec dont les dernières mises à jour, au moment où j’écris ces lignes, datent du 14 avril...

Ainsi, après avoir rappelé le rôle essentiel de l’immigration, M, Couillard aurait formulé les souhaits suivants à la nouvelle ministre :
«Accueillir, c’est grandir et s’ouvrir. Nous grandirons ensemble au Québec. Vous aurez la tâche difficile mais essentielle de guérir les blessures des derniers mois en participant à la construction d’une société inclusive, en partageant avec fierté une identité basée sur notre langue et nos valeurs communes ». 

Et au chroniqueur du National Post de conclure : «Les jours de l’homogénéité et de l’exclusion sont choses du passé».

Le journaliste du quotidien torontois introduisait d’ailleurs son sujet en annonçant que M. Couillard avait tenu la cérémonie d’assermentation de ses nouveaux ministres en présence du drapeau canadien, qui avait ainsi été réintroduit à l’Assemblée nationale et, bien sûr, devant le représentant de sa Majesté, la reine Élizabeth II, le lieutenant-gouverneur du Québec.

Les députés souverainistes, qui ont dû prendre connaissance des propos du premier ministre, n’ont pas jugé bon – assez curieusement - de réagir aux propos de M. Couillard ni à la nouvelle vocation du ministère de l’Immigration.

Je me permets pour ma part de poser quelques questions à M. Couillard.

Le projet de Charte était-il si blessant qu’il le laisse entendre, tandis que plusieurs femmes musulmanes, dont son ancienne députée, Mme Fatima Houda-Pépin, ainsi que la Coalition Avenir Québec, appuyaient ses principaux objectifs ? N’est-ce pas plutôt peu respectueux à l’égard de la majorité francophone que d’utiliser cette formulation des «blessures» ?

Car en accordant leur confiance au Parti libéral du Québec, les Québécois francophones n’ont-ils pas plutôt rejeté l’idée d’un nouveau référendum que le projet de Charte ? Celui-ci, selon plusieurs sondages, n’obtenait-il pas l’appui d’une forte majorité de francophones ?  Ce faisant, la majorité francophone, qui appuyait les grandes lignes du projet de Charte, avait-elle la moindre intention de blesser qui que ce soit ? Les personnes qui se sentaient blessées n’étaient-elles pas plutôt victimes d’une propagande de désinformation véhiculée notamment par certains médias de langue anglaise ?

Enfin, en invoquant l’inclusion et le partage, le nouveau premier ministre n’esquive-t-il pas une valeur encore plus fondamentale que ces deux concepts, inspirés de l’air du temps, soit celle de l’identification à une société et à une nation ? Je peux en effet vivre dans une société inclusive et partager ses valeurs, mais cela me suffira-t-il pour m’y identifier? Cela me suffira-t-il pour que je m’identifie à ses luttes et à son histoire ?

On me permettra d’en douter.

24 avril 2014

À lire ! Libérons-nous de la mentalité d'assiégé. L'essai qui questionne les médias, les lobbys, les communautés culturelles. Voir sa Table des matières !

Note :

1. Lien à l'article du National Post :

http://fullcomment.nationalpost.com/2014/04/23/graeme-hamilton-the-one-gesture-philippe-couillard-used-to-slam-the-door-on-marois-parti-quebecois





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Un reflet du choix fait par les québécois depuis longtemps
par Stéphane Russell le 12 mai 2014

Les libéraux ont été élu par une majorité écransante. Il confirme le malheureux choix du Québec, qui comme le reste de l'occident, favorise son sofa Elran et son écran géant sur le reste. Mais il suffit de regarder l'actualité locale dans un contexte international pour relativiser ce qui se passe ici. Ici comme ailleurs, pour préserver ce ci précieux confort, nos droits sont battues en brèche, nos titres de propriétés sont saisies par des lois sournoises et la gardienne de la démocratie, la presse, est corrpompue de la tête aux pieds. Le monde entier est en voie de passer sous une gouvernance autoritaire globale. Franco ou pas, un réveil s'impose. De toute façon, ceux qui rêvent de confort ne pourront plus rester dans leur fauteuil encore très longtemps.

La notion de responsabilité au plan des rapports interculturels
par Richard Tremblay le 30 avril 2014

En effet, le timing et l'empressement mis à renommer le ministère québécois de l'immigration est de nature partisane et relègue au dernier plan la responsabilité intellectuelle de nos gouvernants par rapport à la question des rapports interculturels. L'adaptation que suppose le passage d'une culture à une autre ne peut être que la seule responsabilité de la culture cible ou culture d'accueil, prenant pour acquis que l'égalité citoyenne n'implique aucune responsabilité de la part du citoyen immigrant au plan des rapports interculturels. À l'inverse, cette responsabilité ne repose pas non plus entièrement sur la culture source que l'on soumettrait à une politique dite "d'intégration". C'est une responsabilité partagée dont les politiciens devraient se faire un devoir de promouvoir. La polarisation du débat dont ils sont à l'origine n'aboutira à aucune solution viable. Pourtant, la réflection sur le sujet est assez avançée. Il s'agirait que nos élus prennent le temps d'étudier les nombreux rapports, incluant pour commencer celui que le gouverment du Québec a commandé à Jean-François Lyotard à la fin des années 70, de même que les nombreux articles et ouvrages qu'on a consacré au rapport des cultures. L'honnêteté intellectuelle est un pré-requis si on veut favoriser les échanges de vue sur les enjeux interculturels dans le contexte de la mondialisation.
 

Retraité du monde de l'éducation
par Luc Lemoine le 25 avril 2014

Comme une majorité de Québécois, je suis favorable à la Charte sur la laïcité et la neutralité du Québe, présentée par l'ex-gouvernement du Parti Québécois.

Suite à mon expérience de directeur d'école primaire dans Côte des Neiges,  le quartier le plus multiethnique de Montréal, j'ai connu des centaines de personnes de toutes les origines. Mon école  avait une clientèle estudiantine à 98% d'origine étrangère, avec plus de 54 pays représentés et acceuillant des centaines d'enfants dans 13 classes d'accueil et plus de 20 classes régulières..Elle était bien nommée l'école des Cinq-Continents!

Connaissant toutes ces caractéristiques particulières de mon école, je l'ai choisie  entre plus de 200 écoles montréalaises. Ce n'est certainement pas parce que j'éprouve le moindre sentiment xénophobe, bien au contraire !

Mon passage de 3 ans dans cette école, a développé encore plus en moi, mon amour des élèves immigrants et de leurs parents ! Heureusement, j'étais ccompagné et soutenu par une équipe, elle-même, aussi diversifiée culturellement que nos élèves !

Nos objectifs les plus importants étant d'enseigner le français ainsi que de transmettre nos valeurs à tous nos étudiants dans un climat sécuritaire et chaleureux !

Cependant j'ai pu constater, que certains parents refusaient obstinément de faire le moindre effort pour apprendre la langue française ou pour se rapprocher des groupes religieux ou ethniques différents du leur. Même avec le titre de "directeur" je me faisais dire par eux,  de pârler anglais, lorsque spontanément je saluais ces parents en visite dans l'école. « Speak to me in English,! We are in Canada here !» Ou pour des motifs "religieux" on EXIGEAIT des accommodements comme le port du voile chez des petites filles non-pubères, ou de la nourriture halal dans les repas de l'école, ou des congés religieux de la part des professeurs, même chez ceux qui n'étaient même pas "pratiquants" ???

Je devais accueillir, en provenance d'école corraniques ou hébraïques, des élèves ayant développé des problèmes de comportement ou d'apprentissage. Les directeurs de ces écoles me disaient que c'était normal puisque j'avais des professionnels comme des orthopédagogues ou une psycologue dans mes murs. Croyez-moi, ce n'est pas facile de réparer un enfant brisé par certaines formes "d'endoctrinement" s'étalant sur plusieurs années.

Fort de cette expérience, vécue de bonne foi, j'ai compris que la meilleure façon pour "intégrer" toutes les personnes à notre culture québécoise, c'est qu'il faut appliquer la même règle à tous ! Un peu comme j'interdisais le port de casquettes ou de bandeaux de couleur différentes afin d'éviter la création de cliques entre les élèves !

J'ai perçu la Charte comme étant l'opportunité d'éviter la création de ghettos dans notre société ! Malheureusement les plus réfractaires s'y opposeront toujours !

Bon article
par gérald leblanc le 24 avril 2014

Très pertinent ton article sur le changement de cap du gouvernement Couillard.

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Victor Teboul est écrivain et le directeur fondateur de Tolerance.ca ®, le magazine en ligne sur la Tolérance, fondé en 2002 afin de promouvoir un discours critique sur la tolérance et la diversité. 

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